samedi 26 février 2011

Le réseau social, un film politique?

Quelle oeuvre, des 10 en lice pour l'Oscar du meilleur film, remportera la récompense cinématographique la plus médiatisée de la planète?

Mon choix ne se porterait certainement pas sur le fade The Social Network - Le réseau social-, de David Fincher, récit intéressant mais sans plus de la controversée naissance du réseau social Facebook. Mes préférences? Le complexe et enivrant Inception -Origine- ou l'angoissant et lumineux Black Swan - Le cygne noir- qui semble déranger plus que séduire l'Académie.

C'est bon, mais...

Êtes-vous de ceux qui, comme moi et quelques amis qui m'entourent, n'avez pu vous empêcher de songer, après avoir vu Le réseau social : c'est bon mais... à ce point-là??

Dans le film de Fincher, Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, est dépeint comme un "geek" franchement désagréable et sans émotion. On ne s'attache nullement à ce personnage qu'on peut deviner bien campé, mais sans que la performance du comédien Jesse Eisenberg n'émeuve ou ne touche. Une histoire... intéressante, je ne trouve pas d'autre qualificatif, pas nécessairement passionnante. Une réalisation étonnante, hallucinante, hors normes? Non. Et une direction artistique... qu'on ne remarque pas.

On n'oscarise pas toujours des chefs-d'oeuvre...

Au fil des ans, la lice des candidats aux Oscars n'a jamais été uniquement constituée de chefs-d'oeuvre. Récompenses parmi les plus convoitées du monde du 7e art, elles attisent la cupidité des producteurs des grands studios et ne couronnent pas toujours les talents les plus accomplis ou les oeuvre les plus éclatées.

Je me souviens de la controverse qui avait entouré l'attribution du 71e Oscar du meilleur film en 1999 à Shakespeare in Love, film sympathique, mais somme toute assez conventionnel de John Madden. L'oeuvre s'était permise de vaincre, dans la course, les poids lourds Elizabeth, La vie est belle, La mince ligne rouge et Il faut sauver le soldat Ryan. Si ce n'est pas du vol, ça!!

Quant à Gwyneth Paltrow, la comédienne principale de cette comédie romantique historique en costumes, elle avait mérité l'Oscar de la meilleure actrice pour une performance qui était loin d'éclipser celle de Cate Blanchet, l'imposante "reine vierge" d'Elizabeth.

Financer un trophée

La clé de la victoire de ce récit romancé de la création de la pièce Roméo et Juliette? L'argent de Miramax, une filiale de Disney, le studio à l'origine du film, avait-on soupçonné à l'époque. Les propriétaires de cette écurie du cinéma semi-indépendant, les frères Robert et Harvey Weinstein, sont parvenus à positionner plusieurs de leurs poulains dans la course aux statuettes américaines au fil des années. À coup de cocktails et de cadeaux soigneusement offerts?

L'argent, motif à l'origine de l'engouement derrière Le réseau social, son Golden Globe du meilleur film dramatique et son César, obtenu hier soir, du meilleur film étranger en France? Peut-être. Et s'il s'agissait plutôt d'un film politique?

Zuckerberg, le plagieur qu'on craint

Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, est un "geek" ultra-talentueux et le plus jeune milliardaire au monde en ce moment. Il a fondé un réseau dont les 500 millions de membres, s'ils étaient de nationalité facebookienne, habiteraient le 3e état de la planète en termes de population après la Chine et l'Inde.

Mark Zuckerberg a beaucoup de pouvoir : son réseau, fondé sur l'interaction, prend de plus en plus la forme d'un moteur de recherche social puisque les membres y échangent des liens vers du contenu Web. Facebook dérange sans doute Google, LE moteur de recherche par excellence du moment. C'est un outil de communication devenu incontournable sur lequel les publicitaires ne crachent plus et un stimulant pour le militantisme politique que sont loin d'ignorer les formations politiques et leurs conseillers.

Mark Zuckerberg fait-il des jaloux? Inquiète-t-il par sa puissance virtuelle quasi sans évoque, lui qui est parvenu à éclipser le réseau social My Space et qui s'est hissé dans sa jeune vingtaine au niveau des plus grands des technologies de l'information?

Le réseau social décrit Zuckerberg comme un être profondément antipathique. Pour connaître son heure de gloire, il n'hésite pas à dérober l'idée de la mise en ligne d'un réseau social à des collègues d'Harvard séduits par ses talents de programmeur. Il conçoit "The Facebook" dans leur dos, financé par un ami qu'il n'hésite pas à larguer quelques mois plus tard, et le met en ligne sans même les prévenir. Zuckerberg collabore ensuite avec un "pirate" du Web, le fondateur de Napster, site illégal de téléchargement de musique aujourd'hui fermé. Facebook naît du plagiat et avec l'aide d'un bum.

Raconté ainsi, l'histoire de Zuckerberg questionne sur le sens de l'éthique du personnage, dont plusieurs dénoncent la "loussitude" en matière de protection de la vie privée. Cette volonté du fondateur de Facebook à s'approprier les données mises en ligne par ceux qui le font vivre a d'ailleurs donné naissance au réseau social Diaspora, beaucoup plus soucieux de la protection des renseignements personnels de ces utilisateurs.

Le réseau social, une dénonciation de Zuckerberg, le tout-puissant, qu'encensent les cardinaux de l'Academy of Motion Picture Arts and Sciences?

Zuckerberg, le héros blessé

Examinons la question sous un autre angle.

Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, est un "geek" ultra-talentueux et le plus jeune milliardaire au monde en ce moment. Il a fondé un réseau dont les 500 millions de membres, s'ils étaient de nationalité facebookienne, habiteraient le 3e état de la planète en termes de population après la Chine et l'Inde.

Mark Zuckerberg est aussi Américain: nommé personnalité de l'année 2010 par le magazine Times -au grand dam de lecteurs et d'observateurs qui lui auraient préféré le fondateur de WikiLeaks Julian Assanges-, il fait sans doute la fierté de concitoyens nationalistes pour qui il incarne la concrétisation du fameux rêve américain. Sans être parti de rien, Mark Zuckerberg est décrit, dans Le réseau social, comme un étudiant d'Harvard, certes, mais qui n'est pas le plus couru et que ne se dépêchent pas d'approcher les membres de mystérieux clubs privés auxquels son ami Eduardo rêve d'appartenir. Partout dans le monde, on se branche sur Facebook, une création d'un génie de Harvard, l'une des plus prestigieuses universités de la patrie d'Obama.

Certes, Le réseau social décrit Zuckerberg comme un plagieur. Mais un plagieur qui viole le droit d'auteur par amour! Pour impressionner cette fille qui n'a rien voulu savoir de lui, honteux rejet mis en scène au tout début du film. Ce désir d'impressionner guide Zuckerberg dans toutes ses actions, nous raconte-t-on, et va jusqu'à le rendre quasi-touchant aux yeux d'une des avocats chargés de sa défense dans les poursuites qui l'opposent à ceux qui lui ont fait confiance. Zuckerberg, le génie blessé?

Et si les Américains encensaient Le réseau social pour rendre hommage à cet "un des nôtres"?

Peut-être, après tout, n'apprécient-ils le film de David Fincher que pour la bonne histoire qu'ils racontent... Mais bon, devant un film plutôt conventionnel, on ne s'empêcher de chercher ce qui plaît tant à celles et ceux qui ont dû, me semble-t-il, craquer pour tellement de meilleurs films cette année. Le pouvoir de l'argent ou... la dénonciation du pouvoir?

Incendies va-t-il gagner?

Dans un article publié ce samedi 26 février dans La Presse, le réalisateur Denis Villeneuve spécule sur ses chances de remporter l'Oscar du meilleur film en langue étrangère pour Incendies. Il salue au passage les efforts de son producteur, Sony Pictures, qui veille à ce que tous les membres de l'Académie aient vu son film... plutôt que d'utiliser pour les convaincre cocktails ou autres mondanités! L'approche Miramax, peut-être?

J'ai lu ou entendu quelque part que Sony aurait plutôt misé sur une autre de ses productions en lice pour le même Oscar, In a Better World, film danois de Susanne Bier, lauréat du Golden Globe du meilleur film étranger. Quoiqu'il en soit, en devenant le 3e réalisateur canadien en lice pour la récompense dans l'histoire des Oscars, Denis Villeneuve est déjà un gagnant comblé.

Mais bon... on aimerait quand même le voir monter sur scène dimanche soir et comptez sur moi pour crier si ça se produit!