lundi 12 octobre 2009

Coup de coeur pour les pays d'en haut

Trop courte escapade cette fin de semaine à Mont-Tremblant, dans les Laurentides, pour découvrir une région du Québec que je n'avais jamais eu le bonheur de visiter. Vous savez quoi? Dans ce savant tricot de lacs, de rivières et de montagnes qu'est la terre d'accueil du curé Labelle, les couleurs ne sont pas que légendes d'automne!

L'éclat avant l'hiver

Déjà séduits par le manteau doré des autoroutes 40 et 640, nos yeux attentifs se sont définitivement laissés émerveiller par les teintes d'orange brûlé, de rouge vif, de jaune mêlé de brun des érables, par le rosé des graminées comme par le rouge moucheté de jaune et de vert des arbustes se déployant tout au long de notre remontée vers le nord. Sur l'autoroute 15, puis sur la route 117, les feuilles ayant renoncé au vert recouvraient jusqu'aux limites de l'horizon collines et sommets pour les faire briller une dernière fois avant qu'ils ne blanchissent subitement sous le poids de la neige.

La naïveté de 2 aventuriers

Cette fin de semaine à Mont-Tremblay m'a permis d'apercevoir mes plus beaux paysages d'automne. Sur la montagne de la station de ski sise au milieu de la station touristique d'abord. Naïfs, N. et moi avons renoncé au billet aller-retour de la remontée mécanique pour acheter, à l'inverse de tout le monde, un billet descente seulement.

Ça pas l'air si haut, c'te montagne-là! Ah ouais? Nous avons failli laisser notre souffle dans le sentier du Grand prix des couleurs... mais nous l'avons gravie la montagne, affrontant des dénivelés parfois périlleux, combattant le vent et la bouette, confortés dans notre désir d'atteindre le sommet par beaucoup d'orgueil et par ce tableau toujours plus vaste s'étirant sous nos yeux : fresque à la fois sauvage et merveilleuse entremêlant les courbes colorées des montagnes aux méandres des cours d'eau. C'était beau... mais il fallait que ça finisse avant de nous laisser sans énergie, cette montée! Rarement un chocolat chaud -savouré au sommet- m'aura paru aussi réconfortant...

Le Diable et ses panoramas

Splendides panoramas également que ceux offerts par le Parc national du Mont-Tremblant (secteur de La Diable). Pierre, l'un de nos hôtes à l'Auberge Le Lupin où nous avons posé nos sacs à dos pour la fin de semaine, nous avait préparé un parcours plein air idéal pour une journée.

Courte randonnée d'une demie-heure chacune à la Chute du Diable puis aux Chutes Croches. La majesté de l'eau qui s'écoule en cascades imposantes a toujours de quoi impressionner. Puis, 2 heures d'ascension dans le sentier La Roche, à proximité du lac Monroe, pour profiter d'une vue sur la vallée glaciaire dans laquelle s'écoulent celui-ci et celle du Mont-Tremblant. C'est sur le toit de ce sentier que j'ai aperçu ma première neige -quoique bien timide...- de l'année!

Un havre pour les riches

Disons-le tout de suite, Mont-Tremblant se fait d'abord belle pour les plus fortunés de ce monde. Golfs en abondance, plages privées, marinas destinées à cueillir les pas de marins loin d'être sans le sou, boutiques de skis aux vêtements griffés, casino -que je n'ai pas vu-, hôtel Fairmont... et un bien joli village d'inspiration européenne où se bouscule une foule de touristes venus du Québec et surtout d'ailleurs.

Des bâtiments de couleurs vives, des hôtels, des condos enlacent la station de ski qui justifie leur existence. Un peu prisonniers, les visiteurs de passage acceptent de payer un peu plus cher, même pour leur nachos et leur hamburger... Superficiel ce village? Plutôt charmant, je trouve et de bien meilleur goût que bien des sites touristiques. Dans le village de Saint-Jovite situé à 12km du centre de villégiature, on mange mieux et moins cher, nous a rapidement indiqué Pierre.

Couette... et omelettes

Je vous recommande l'Auberge Le Lupin, couette et café où nous nous sommes installés pour la fin de semaine. Hôtes chaleureux complètement dévoués à leur clientèle, vaste salon accueillant hébergeant notamment une imposante collection de disques compacts, mais surtout... de petits déjeuners délicieux, faisant la part belle au sucré -muffins dattes et oranges, poires et chocolat, pouding au pain et aux fruits, pain à la courgette-, au santé -yogourt et salade de fruits- et au salé -omelette au jambon, aux asperges et au cheddar, ou au saumon fumé et au fromage à la crème. Nous nous sommes régalés. Et quand en plus le café est à volonté...

Cette fin de semaine, Jupiter s'est pointée le bout du nez, il a un peu neigé, et le vent a emporté plusieurs des feuilles qui nous avaient charmés à notre arrivée. L'automne des couleurs s'apprête tranquillement à hiberner tandis que des foulards nous recouvrent de nouveau le visage. Dans ces Laurentides qui se prêtent avec générosité au jeu de la métamorphose automnale, j'aurai au moins contemplé ces couleurs à satiété!

Notre séjour en photos

Pour voir en images ce que je viens de vous raconter, voyez le diaporama à droite de ce billet.

dimanche 4 octobre 2009

Coin Sainte-Catherine / Champlain...


Le cinéma Cartier était anormalement rempli jeudi soir dernier -d'un public varié, en plus- pour assister à la projection du documentaire Hommes à louer du cinéaste Rodrigue Jean. Thème abordé : la prostitution masculine. Le décor : les rues de l'Est de Montréal.

Le réalisateur de Full Blast a construit sa plus récente œuvre autour d'entrevues réalisées pendant un an avec 12 jeunes hommes prostitués, dont plusieurs à peine majeurs. Au fil des mois, il a gagné leur confiance. Les acteurs du documentaire se sont confiés sans pudeur à sa caméra installée dans les locaux du Projet Séro Zéro. Pas de flaflas, d'effets spéciaux ou de montage dans ce film à la trame chronologique et constitué uniquement d'extraits de témoignages francs, parfois dérangeants, souvent pathétiques.

Les révélations qui choquent

Les propos des participants au documentaire mettent bien sûr en lumière l'absurdité de situations qu'on soupçonnait ou connaissait déjà:

  • l'inutilité de l'intervention des policiers qui jouent les clients pour jeter en tôle pendant 3 jours de jeunes prostitués . Ceux-ci récidivent sitôt revenus dans la rue. Résultat: perte de temps, d'argent, détournement du rôle de la police. Les mots me manquent pour qualifier ce "travail de nettoyage" qui devrait plutôt diriger les prostitués vers des ressources capables de les appuyer
  • le "faux désir de moralité" de certains clients hauts placés -députés, juges, avocats- qui dénoncent la prostitution depuis leur tribune, imposant des peines ou jugeant les victimes, tout en profitant du système
  • la difficulté de délaisser un métier qui paie bien et vite: pourquoi travailler au salaire minimum quand on gagne en une semaine ce qu'on gagnerait en un mois?
Les confidences d'un prostitué plus âgé rencontré chez lui sont particulièrement troublantes. Star de cinéma porno en Californie à l'âge de 16 ans, il croupit aujourd'hui dans un appartement minable, dépensant son chèque de bien-être social le soir où il le reçoit parce qu'incapable de résister à la drogue ou payant des tournées pour se faire aimer, réduit aujourd'hui à participer à des tournages humiliants dans lesquels il se fait sodomiser par une femme.

Ce qui rassure? Les prostitués interrogés accordent une attention particulière à leur santé et ont des relations sexuelles protégées.

La for
ce et la faiblesse de la parole

À partir de sa riche matière première, Rodrigue Jean aurait pu imaginer une histoire, créer des situations, enrichir le propos de témoignages d'experts, de clients, de policiers, d'intervenants sociaux. Il a plutôt accordé toute la place à la parole de jeunes qui louent leur corps à répétition jusqu'à s'user et à vieillir prématurément. C'est à la fois la force et la faiblesse de son film.

La force car l'approche du réalisateur ouvre grand les fenêtres sur la détresse de jeunes qui en sont à peu près tous venus à la prostitution pour "faire de l'argent rapide" et payer leur consommation de drogue. Au fil des mois, certains tentent de se libérer de l'emprise du crack, de la coke, du pot, ils y parviennent, puis sombrent à nouveau.

Un des jeunes interviewés refuse de déposer son argent dans une des ressources communautaires offrant ce service. Il a peur, une fois en manque, de revenir le chercher et s'en prendre physiquement à toute personne qui l'empêcherait de le récupérer.

L'emprise de la drogue

La drogue constitue le personnage principal du documentaire : elle teinte les confidences, provoque les tics nerveux, rend fébriles chacun des personnages.

D'abord utilisée pour masquer une souffrance, -abandon, manque d'amour, abus, violence- la drogue en vient à effacer ce dégoût d'eux-mêmes que ressentent les jeunes à l'égard du métier qu'ils pratiquent. Certains racontent avec franchise ce qu'ils ont accomplis pour 15$ ou 20$ : si peu d'entre eux y trouvent quelques traces d'amour, d'autres refusent l'attachement, plusieurs empochent le plus rapidement possible pour passer rapidement à une autre pipe.

Un sujet noyé?

Par contre, l'enfilade de témoignages qui s'étire sur près de 2 heures 20 noie un peu le sujet et en dilue tout le potentiel émotif. Non pas qu'il y ait tant de redondance dans les propos des prostitués interviewés, mais plutôt un manque de variété dans la façon de leur donner la parole, de mettre en scène leur propos.

L'objectif de Rodrigue Jean n'était pas de réaliser un documentaire étoffé sur la prostitution masculine, mais plutôt de donner la parole à de jeunes prostitués : en ça, il y réussit parfaitement. Il aurait cependant gagné à ramasser davantage leurs confidences. Il faut savoir toutefois que Jean s'est battu avec ses producteurs pour ne pas couper dans la durée du film. Conçu à partir de centaines d'heures d'enregistrement, le documentaire s'étendait sur 8 heures à la suite d'un premier montage!

Peu de lumière

Que retenir du film? Peu de lumière, quoiqu'au moins un des jeunes prostitués quitte la rue à la toute fin du film. D'autres veulent en sortir, mais échouent à se délivrer de la poigne de fer de la drogue, qui les entraîne de nouveau dans un cycle d'humiliations et de violence.

Même devenu père, un des "personnages" principaux du documentaire peine à renoncer au crack: on songe alors à ce que deviendra cet enfant, coincé entre une mère elle aussi prostituée et ce père ravagé par le crack, et on souhaite que la détresse des parents ne prenne pas la forme d'une nouvelle offrande aux pièges de la rue...

Pour en savoir plus sur le film et la démarche du réalisateur, voir la fiche du film sur Mon Cinéma et lire l'article d'Annabelle Nicoud "Hommes à louer: Rodrigue Jean, dans les villes"