samedi 18 février 2012

Ces films oscarisables qu'il faut voir (2)

J'évoquais dans mon précédent billet le prétexte que constitue la très médiatisée course aux Oscars pour voir les films en lice cette année qui m'auraient échappé. Surprise : des 9 films en nomination au trophée du meilleur film, je n'en ai vus que 4 : The Help (La couleur des sentiments), Midnight in Paris, The Descendants et The Artist.

Puritaine, l'Académie des arts et des sciences n'a pas osé primer le troublant Shame (La honte), histoire de désespérance étouffée par le sexe qui m'a révélé Michael Fassbender, et le délicat Beginners (Les débutants), dans lequel l'épicurien Christopher Plummer révèle à son fils son homosexualité... à 75 ans! Un bijou.

Des 5 autres nominés, seul Hugo, de Martin Scorsese, disparu des écrans de la capitale, m'intéresse. Puisque Scorsese est pressenti pour remporter l'Oscar du meilleur réalisateur, j'aurai sans doute la chance de le revoir en 3D. Sinon, dans la course au lauréat, mon cœur balance entre le très touchant et hawaïen Les descendants et la comédie romantico-historique parisienne de Woody Allen.

L'Artiste : sympathique, attendrissant, mais...

Car je dois vous faire une confidence: si je conserve un souvenir sympathique et attendri de L'Artiste, qu'illuminent en noir et blanc les expressifs, extravertis et charismatiques Jean Dujardin, Bérénice Bejo et le chien Uggie, l’œuvre de Michel Hazanavicius est loin de m'avoir laissé nostalgique des films muets de l'Âge d'or hollywoodien. Célébrons l'originalité et l'audace du cinéaste, auteur d'un film sans dialogue et sans couleur qui défie tous les codes du cinéma actuel. D'abord admiratif devant la qualité de la direction artistique du film, je n'ai toutefois pas ensuite été complètement captivé par une histoire entièrement dévoilée dans la bande-annonce du film.

L'Artiste, nous le savons, met en scène -de façon un peu longuette et appuyée - le brusque déclin de l'acteur Georges Valentin (Dujardin), qu'orgueil et mépris pour le "parlant" expulsent brutalement des projecteurs des cinémas américains. Parce que Valentin a refusé de "parler" -à l'écran comme dans son couple, d'ailleurs, métaphore amusante-, il s'enfonce dans un anonymat de plus en plus pathétique à mille lieux du glamour des tapis rouges.

Alors que cette chute s'étire un peu, nous nous émouvons quand même de la pureté de la relation unissant Valentin à une pétillante figurante, Peppy Miller, qu'une personnalité frondeuse -et éloquente- catapulte au rang de superstar. Or, la starlette admire sincèrement Valentin et sera la seule -avec son chien et son ex-chauffeur- a veillé sur cet être sans autre talent que celui du jeu, qu''alcoolisme et pauvreté avalent tranquillement.

Du beau, du bon, mais pas nécessairement du mémorable dans ce récit sur la fragilité d'un comédien qui ne joue plus.

La triste beauté du deuil

Au moins 2 cinéastes américains ont fait du deuil le thème central de leur long métrage cette année, avec beaucoup de pudeur, mais sans artifices ou violons inutiles. Dans Les Descendants, le personnage de George Clooney doit tranquillement réécrire la suite de sa vie d'homme et de père, tandis que la mort aspire lentement sa femme plongée dans le coma. Mike Mills propose plutôt dans Beginners (Les Débutants) une histoire de prime abord surprenante à l'intérieur de laquelle s'entremêlent toutes sortes de petites morts, de renaissances et de rédemptions.

Hal (Christopher Plummer, récompensé pour sa magnifique composition par le Golden Globe du meilleur acteur de soutien et en nomination pour le même prix aux Oscars) savait tout jeune qu'il était gai. Mais alors que s'amorçait la dure bataille pour la reconnaissance des droits des homosexuels aux États-Unis, il a choisi de faire sa vie avec une femme. Il a eu d'elle un fils, Oliver (Ewan McGregor) qu'il aime profondément, et à qui il décide d'avouer son orientation sexuelle une fois l'épouse décédée.

Hal a  alors 75 ans... et entreprend une nouvelle vie. Changement de look, de lectures, d'amis, début d'escapades dans les bars et discothèques gais et d'expériences militantes en faveur de l'avancée sociale de sa communauté. Le père ne cache pas à son fils ses amours, ses relations sexuelles, ses incartades... et son bonheur profond, subitement entaché par la maladie qui le confine à la maison, où son fils le veillera jusqu'à la fin... et le pleurera avec son chien Arthur bien longtemps après le jour fatal. C'est alors qu'il vit ce deuil paternel qu'Oliver rencontre Anna, lumineuse Mélanie Laurent, avec qui il peine à dépatouiller les émotions qui le tenaillent: coup de foudre, passion, affection, chagrin, vide... Trop en même temps?

Les débutants n'est pas un film conventionnel, tant par sa réalisation (les plans sont parfois faits d'images plaquées), son montage (on va et on vient dans le temps, passant du souvenir au réel, du lointain passé à l'actuel, sans toujours avoir tous les repères) et son scénario. Celui-ci recèle debelles trouvailles, notamment la première rencontre entre Oliver et Anna (chimie parfaite entre McGregor et Laurent) qui survient lors d'un party costumé, les choses à la fois naturelles, drôles et légères qu'ils se racontent, les interventions tout à fait pragmatiques du chien Arthur...

D'abord un peu rébarbatif, Les débutants méritent l'attention et se révèle de plus en plus touchant en fin de parcours. Une histoire de soins palliatifs et de profonde affection père-fils racontée sans mélo et sans recherche d'effets. À louer absolument.

Bas les masques!

Carnage, de Roman Polanski, fleurte quant à lui avec un tout autre genre.

Rencontre théâtrale entre 2 couples réunis de force par une histoire d'intimidation entre leurs garçons respectifs, il montre comment, dans la résolution de conflits, les intérêts personnels l'emportent sur la bonne volonté, l'empathie et la générosité. D'abord soucieux d'en venir à une solution fondée sur l'entente cordiale, les 4 New-Yorkais de l'histoire, incapable de reconnaître toute responsabilité à leur fiston, dévoilent rapidement leur mauvaise foi, leur attachement viscéral aux choses matérielles, la futilité de certains choix de leurs existences. Le tout, dans une ambiance complètement jouissive... pour le spectateur!

C'est que Penelope et Michael, hôtes de Nancy et Alan qui n'en finissent plus de vouloir partir, ont le malheur d'offrir clafoutis et alcool. Les échanges dégénèrent rapidement, cette décadence explosive permettant à Kate Winslet de s'illustrer dans le rôle d'une femme étouffée par les obligations liées à l'image, à la réussite et à la maternité et que l'alcool conduit à la lucidité et à la complète transparence. Comme l'actrice britannique a dû prendre plaisir à incarner cette femme froide soudain désinhibée, aux côtés d'une Jodie Foster tout aussi solide en artiste frustrée, en militante de gauche crispée.

Joyeux divertissement qui n'apporte rien sur le plan de la forme, mais dont les dialogues ont de quoi poivrer une soirée fade!