Semaine de vacances qui s'achève sous un ciel de feux de forêt, semaine toute horticole, mais toute aussi culturelle. Semaine au cours de laquelle des artistes de tous horizons ont allumé sur mon parcours des incendies comme je les aime: intenses et propices au travail de l'imagination. De la fougue de Belles-Soeurs mardi à la présence tout feu tout flamme de Dumas hier soir, en passant par le parcours déambulatoire Où tu vas quand tu dors en marchant vendredi soir, les derniers jours se sont révélés riches en sons, en notes, en petits drames et en drôles de rencontres!
Venir à bout du costume... de Dumas
Samedi 29 mai, Théâtre Petit Champlain, De retour de sa première sortie de scène après un peu plus d'une heure de spectacle, l'auteur-compositeur Dumas s'exclame, devant un public debout et en délire: "Vous êtes venus à bout du costume!".
Il fallait voir sa chemise noire devenue translucide avant qu'il quitte la scène la plus chaleureuse en ville au terme d'un tour de chant et de guitares exaltant: complètement inondée! Aveu charmant : "Québec, vous êtes le meilleur public de la tournée jusqu'à maintenant, et c'est vrai!"
Une bombe
Dumas est une bombe sur scène.
Non seulement joue-t-il de la guitare -acoustique, électrique, et dans toutes les déclinaisons- comme d'autres manient le Stradivarius, passionnément, rageusement, soudain doucement, puis amoureusement, mais sur les planches, il éclate, trépigne, bondit dans toutes les directions, rendant au public de tous les coins de la salle, gauche, droite, centre, balcon, toute l'énergie qu'il lui livre. Votre humble serviteur y a goûté avec stupéfaction à l'occasion d'une incursion surprise du chanteur dans la salle: voir Dumas qui s'agite soudain en face de soi, ça marque!
Sourire désarmant, charisme évident, classe remarquable, interventions minimales mais pertinentes, expressif au possible -il faut voir ses mimiques quand il s'élance dans les aigus- Dumas était visiblement au sommet de sa forme samedi soir . Fort de la complicité et du talent de ses 3 musiciens, qui ont tous participé au dernier de ses disques, Traces, et dont certains l'accompagnent depuis quelques années, l'auteur-compositeur de Victoriaville a revisité presque entièrement son dernier disque, et plusieurs pièces de ses précédents, nous faisant abondamment chanter au passage.
Une mise en scène sobre mais poétique -des projections sur un écran en forme de pleine lune ajoutant à l'univers impressionniste de Dumas-, des éclairages soignés, une tenue sur scène irréprochable: rien à redire sur ce spectacle plein de tonus et pas de tout repos, éclatant parfois au son des quelques "hymnes" que contient le répertoire de l'artiste: hymnes au voyage, à la découverte de l'inconnu, à l'exploration de ce que nous sommes. Le spectacle s'est terminé par Passer à l'ouest, ma préférée de Traces, un crescendo un peu à la Arcade Fire, qui nous mène "au-delà des frontières de l'imagination".
Deux spectacles de Dumas au compteur de mon autoroute culturelle, jamais de déceptions.
Secrets et baroque
J'aime tellement ma ville quand elle me propose des expériences comme le parcours théâtral déambulatoire Où tu vas quand tu dors en marchant, offert gratuitement au bon vouloir des citoyens dans le cadre du Carrefour international de théâtre. Je m'aime moins quand je ne trouve pas le temps de participer pleinement à l'expérience: je n'ai visité que 2 des 6 stations concoctées par quelques maîtres d'œuvres, dont le metteur en scène Frédéric Dubois, et incarnées par près de 200 artistes. Sorte de chemin de croix intimiste et fantaisiste, proposé 3 soirs mais à l'intérieur d'une plage restreinte: entre 21h et 23h. Impossible de tout voir au cours d'une seule soirée.
Au parc du centre communautaire Lucien-Borne illuminé pour l'occasion de globes blancs, une bénévole nous dirige vers un des lits brinquebalants en plein air que s'est approprié un comédien, dans notre cas, chanceux que nous sommes, la très talentueuse et émouvante Anne-Marie Olivier. Elle nous murmure en 5 minutes des confidences qui parlent d'angoisse, d'anxiété, de petits échecs. Devenus soudain confidents, la parole souffrante de l'inconnue nous trouble.
Puis, nous découvrons le sentier s'amorçant derrière le parc et s'écoulant le long de la falaise vers la basse-ville, doré par les luminaires imaginés par l'artiste en arts visuels Claudie Gagnon, qui a définitivement le sens de l'accessoire lourd de sens. Sous sa gouverne et celle du musicien Frédéric Lebrasseur, la forêt a fait le plein d'étranges personnages inspirés des 7 péchés capitaux, jouant de l'égouine ou des cuivres, bizarres créatures mal léchées, gloutonnes, orgueilleuses, éteintes, violentées prenant place au centre de tableaux savamment chorégraphiés.
Dieux du théâtre, faites que l'an prochain le Carrefour présente encore une telle marche baroque au cœur de la ville et de la nuit, moi qui ai manqué les machines à son de Pascal Robitaille sur le terre-plein du boulevard Langelier, le tour d'autobus dans les bas-fonds de Frédéric Dubois, les vitrines animées de la rue Saint-Joseph et le continental géant sur le parvis de l'église Saint-Roch.
dimanche 30 mai 2010
vendredi 28 mai 2010
Un "show" parfait
Ce mardi 25 mai à la salle Albert-Rousseau de Québec, dès la première salve d'applaudissements destinée, en levée de rideau, au metteur en scène René-Richard Cyr, à l'auteur-compositeur Daniel Bélanger et à l'auteur Michel Tremblay, j'ai su que j'allais assister à un événement. Point culminant du 11e Carrefour international de théâtre de Québec avant même qu'il ne débute réellement, le théâtre musical Belles-Soeurs s'inscrira effectivement dans l'histoire québécoise des arts de la scène au même titre que la pièce qui lui a donné naissance.
Un show... parfait. Jeu solide et habité des comédiennes. Mise en scène sans aucune faille. Jeu des musiciens, arrangements, choeurs : parfaits. Décor, accessoires, costumes: parfaits. Une oeuvre comme on en voit rarement, complète, dense et divertissante, comique et dramatique : voilà ce qu'est l'adaptation musicale de la pièce "révolutionnaire" de Tremblay.
Le brio d'un metteur en scène
Disons-le d'emblée, René-Richard Cyr s'est approprié le texte des Belles-Soeurs avec brio. Misant essentiellement sur le texte de la pièce -Belles-Soeurs n'est pas une comédie musicale où l'on chante constamment-, Cyr a transformé les monologues du texte original en numéros musicaux tantôt drôles et pleins de folie, tantôt extrêmement touchants.
Ces numéros, il en a d'abord fait des défis.
Il faut entendre l'une des invitées du party de timbres entonner sans trous de mémoire en se berçant la longue liste des invités à la noce de sa fille. Absente à ce moment, Mme Brouillette s'enquiert en revenant de la salle de bain, "qui c'est qui était là, donc?" Et à la surprise générale, les 14 comédiennes de reprendre la liste!!
Que dire de l'hommage au bingo -c'est B14 qui me manque!-, numéro qu'on commentera encore sans doute dans 10 ans. Exploitant le ralenti cinématographie, René-Richard Cyr créée durant de longues minutes déplacements et chorégraphies reconstituant comme si on y était la fébrilité des parties de bingo de sous-sol d'église. Quinze comédiennes entonnant à l'unisson une savante partition de Bélanger et répétant tout en s'agitant : "Moi, j'aime ça le bingo" en attendant le climax du fameux B14! Tout ça pour remporter un abat-jour ou un plat de "peanuts".
Vies pathétiques et timbres maudits
Plus que des défis, les numéros musicaux ajoutent à l'intensité de la pièce de Tremblay. Ils en accentuent le côté comique et nous travaillent encore davantage le coeur durant ses passages dramatiques.
Car Les Belles-Soeurs est avant tout une tragédie : esquisse des vies pathétiques de femmes soumises à la religion, au sexe, à leur mari, sans contrôle sur leur destin, jalouses du succès des autres, honteuses de leur propre condition, que la chance inouïe d'une de leur semblable, Germaine Lauzon, réunit autour de timbres à coller. Ces timbres maudits au départ promesse d'une richesse inespérée agiront comme un catalyseur de la véritable nature des personnages. Témoin du retour, en début de 2e partie, de la soeur maudite de Germaine, Pierrette Guérin -incroyable Maude Guérin à la voix chaude-, le party d'abord amorcé dans la joie se termine sur de sombres notes et nous jette en pleine face une implacable conclusion : celles qu'on accuse de "mauvaise vie" possèdent parfois un coeur bien plus pur que bien des "saintes femmes"!
Un jeu sans faute
Sur le plan du jeu, toutes les comédiennes s'illustrent, en jouant comme en chantant, sans quitter le cadre de leur personnage. Les chansons concoctées par Bélanger, solos comme pièces chorales, tout en mettant en valeur la voix des actrices et leur étonnant synchronisme, conservent un je ne sais quoi de kitch ou de réalisme qui les ancrent au coeur de la cuisine de Germaine Lauzon, lieu de tous les potinages et de toutes les confidences.
Les 15 comédiennes demeurant sur scène presque toute la pièce dans la version 2010 de René-Richard Cyr, celui-ci a imaginé pour elles de savants déplacements et de nombreux intermèdes où ça piaille et ça pépie avec vigueur. Même si plusieurs personnages nous semblent au final un peu flou, l'histoire nous tient en haleine, son rythme est soutenu.
Longue ovation debout fort méritée au terme de ce chef-d'oeuvre, bouffée d'émotions à l'arrivée sur scène du trio de concepteurs. On rêve déjà de revoir plusieurs des numéros qui nous ont éblouit. "A va tout avoir... a va tout avoir ça, GRATIS", voilà ce que je chante depuis mardi!
À voir absolument.
- Au Centre culturel de Joliette du 25 juin au 4 septembre 2010.
- De retour à Montréal et à Laval en mars et en avril 2011.
- En tournée au Québec au printemps et à l'automne 2011 et en 2012.
- Nouvelle série de représentations à Québec en janvier 2012.
Les billets pour plusieurs représentations sont en vente maintenant.
Et pour entendre un extrait de la pièce et en apprécier la richesse des choeurs: http://www.belles-soeurs.ca/
dimanche 2 mai 2010
Martin Genest, la suite
Culpabilité soudaine de n'avoir écrit ce matin que du bien sur un spectacle -Cabaret Gainsbourg- qui n'est plus à l'affiche. Je me sens un peu agace, en fait...
N'ayez crainte, je suis convaincu que ce Cabaret connaîtra une 2e vie. En tournée au Québec, peut-être? Ne le manquez surtout pas.
En attendant, gens de Québec, nous pourrons encore être éblouis par le talent de Martin Genest et de sa troupe du Pupulus Mordicus du 19 avril au 14 mai... 2011, au Théâtre du Trident. Genest y met en scène L'opéra de quat'sous, de Bertolt Brecht.
La saison 2010-2011 du Trident s'annonce prometteuse, d'ailleurs, avec une reprise de La face cachée de la lune de Robert Lepage et une création de Wajdi Mouawad.
France Gall - Les sucettes (1968) Stéréo HQ
En souvenir du Cabaret Gainsbourg, cette interprétation tout à fait candide de France Gall de la chanson coquine Les sucettes du grand Serge.
Serge et Alice
Semaine toute culturelle qui s'achève, marquée par le dévoilement de la programmation du 42e Festival d'été de Québec, par une adorable rencontre avec des marionnettes toniques et grivoises et celle un peu moins réussie avec des personnages en 3 dimensions victimes d'avoir été conçus après ceux d'Avatar...
Retour sur Cabaret Gainsbourg, pièce musicale éclatée présentée au Théâtre Périscope ces dernières semaines, et sur le film Alice au pays des merveilles de Tim Burton.
Serge réincarné
Pour rendre hommage au père de Charlotte, le metteur en scène Martin Genest et son complice, le marionnettiste Pierre Robitaille, ont concocté un spectacle mémorable en hommage au grand parolier de la chanson française. Hôte du Théâtre Périscope du 14 avril au 1er mai derniers, ce spectacle de "musique et marionnettes" n'a pas fait mentir la réputation du Théâtre Pupulus Mordicus, qu'animent depuis plus de 10 ans Genest et Robitaille : celle d'une compagnie alliant avec bonheur, frivolité et beaucoup d'audace l'art de la marionnette et une créativité débridée.
Quelle forme a pris ce Cabaret Gainsbourg? Celle d'une série de numéros interprétés, joués et dansés sur scène par le "manipulateur" Robitaille, 4 chanteurs et musiciens de grand talent et une chanteuse/danseuse/comédienne. Le tout dans une salle de théâtre transformée en véritable cabaret, avec petites lampes rougeoyantes sur les tables et "spots" maquillés en luminaires.
Sensualité et émotions
Je ne connaissais pas la musique période jazz de Gaisnbourg, que met en valeur le spectacle de Genest et Robitaille, et celui-ci ne m'y aura pas nécessairement converti. Quoique Gainsbourg possède une plume sensuelle bien tournée et un sens de la formule et du jeu de mots.
J'ai plutôt craqué pour la mise en scène des 17 courts numéros du spectacle, tonifiés par l'apparition de marionnettes de toute apparence, dont Lucien Gainsburg lui-même.
Deux perles:
- L'interprétation yéyé de 69 année érotique dont le pont musical laissait place à l'apparition, tant dans la salle que sur scène, de marionnettes-poissons colorées et semblant nager dans l'air ambiant: magnifique.
- Le clou de la soirée -que je chante sans cesse depuis 2 jours : la chanson Les sucettes servie dans un décor de champignons magiques par une chaperonne rouge marionnette à la fois candide et délurée, entourée de comparses fleuries plutôt bien membrés!
« Annie aime les sucettes, les sucettes à l'anis. Les sucettes à l'anis d'Annie, donnent à ses baisers un goût ani-sé... »Des trouvailles de mise en scène
Tout le spectacle est ponctué de trouvailles de mise en scène :
- jeux de miroirs
- peinture sur disque vinyle projetée sur scène grâce à un dispositif de caméras
- titres des pièces interprétées annoncées sur grand écran dans une calligraphie soignée
- faux micros vintage
Soulignons enfin les harmonies vocales des 4 musiciens-chanteurs finement travaillées... et la performance hallucinante de Valérie Laroche, danseuse solide, chanteuse émouvante, marionnettiste pas mal du tout et... interprète des sucettes d'Annie que je n'oublierai pas de sitôt!
Une Alice bien simpliste
J'aurais aimé m'émerveiller tout autant du film Alice au pays des merveilles de Tim Burton, offert en 3 dimensions dans plusieurs cinémas. J'avoue, j'ai dormi un brin durant la projection... mais mauvais signe, je n'ai rien raté de l'histoire de l'héroïne de Lewis Carroll, de retour au pays du chapelier fou, de la reine de coeur et du lapin horloger pour fuir une mésaventure de la vie que lui impose sa famille...
Le défaut de ce film visuellement soigné? Une histoire extrêmement -voire trop- simpliste, ponctuée de noms de personnages et d'objets imprononçables et un peu ridicules -le parmieux jour qu'on attend tout le film par exemple-, que ne sauvent pas de l'ennui des prestations de comédiens plutôt froides, des personnages auxquels on s'attache guère -malgré la qualité de jeu de Mia Wasikowska qui personnifie Alice- et une 3 D qui a le défaut de se pointer après celle, spectaculaire, imaginée par James Cameron dans Avatar.
Un film qui donne tout de même envie de lire les romans de Caroll.
Un Festival sans artistes québécois?
Je me suis emballé moi aussi lors du dévoilement de la programmation du Festival d'été de Québec, ce mardi : The Arcade Fire sur les Plaines, ça vaut amplement le 44$ du laissez-passer en pré-vente. Et je ne bouderai pas mon plaisir en hurlant I gotta feeling sur les Plaines en compagnie de Black Eyed Peas, auteur de la pièce qu'a notamment contribué à faire connaître le fameux lip-dub des étudiants de l'Université du Québec à Montréal.
Mais à part Gilles Vigneault et ses duos, Maxime Landry-ouin...- et des artisans du spectacle Les Chansons d'Abord, peu de musique québécoise ou francophone sur les scènes du festival 2010. Où sont les Yann Perreault, Dumas, Beast, Ariane Moffat, Fred Fortin, Tricot Machine et autres artistiques québécois dans la programmation de l'événement musical de l'été à Québec? A-t-on oublié d'inviter les chanteurs et groupes de France? Le Festival se heurte-t-il au changement de dates des Francofolies de Montréal tant appréhendé?
D'autres annonces restent à faire, paraît-il. En espérant qu'elles seront québécoises et francophones.
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