Vue de la chapelle Sixtine |
Le lancement et la conclusion d'une carrière
C'est au son des "No foto" et des "Please stand up" insistants des gardiens italiens et de leur "shhhiiii" lancés avec la régularité d'un métronome pour maintenir le caractère sacré de ce lieu de tourisme que nous sommes entrés dans la chapelle qui a accueilli les premières et dernières œuvres d'un grand peintre, Michel-Ange. Lui se définissait pourtant d'abord comme un sculpteur!
Œuvres de jeunesse sous la forme des peintures de la fresque de la chapelle:
- récit de la Genèse, donc de la Création de l'homme et de la perpétuation du péché originel d'Adam et d'Ève jusqu'au déluge vécu par Noé en punition
- images des grands prophètes de la foi catholique et de Sibylles païennes, prophétesses dans la mythologie grecque.
Lutter contre le protestantisme
Au soir de sa vie, l'artiste toscan signe à 72 ans le Jugement dernier, gigantesque toile sur pierre s'élevant au-dessus de l'autel de la chapelle sacrée, du haut de laquelle le Christ contemple les élus s'élevant vers le ciel guidés par les anges et les damnés embarquant sur le fleuve les menant à l'enfer. Chef d'œuvre esthétique, la fresque servait d'avertissement en ces temps de maraudage de la religion protestante et de l'offensive inquisitrice de l'Église: éloignez-vous de la foi et vous brûlerez éternellement dans les flammes de l'Enfer!
Anecdotes:
- dans ce récit de fin du monde, Michel-Ange n'a pu résister à se mettre en scène, sous les traits d'un apôtre du Christ, Saint-Barthélemy, tenant entre ses mains une étrange et flasque peau humaine
- les parties intimes des corps nus et souvent viriles de ce Jugement furent pudiquement recouverts dans les années suivant son dévoilement par un élève de Michel Ange sous les ordres du pape Pie IV.
L'art au service de la Parole.
Telle est la chapelle Sixtine, livre d'histoire plein de vie aux teintes de jaune, de rouge, d'orangé, de vert, de bleu, de brun, nuances de beige et de rose, qui, fraîchement restaurées de 1990 à 1994, explosent en racontant "l'histoire de l'humanité", entendre ici l'histoire du peuple élu. De la création de la lumière aux tableaux comparant la vie de Moïse, sauveur du peuple juif tenu en esclavage en Égypte, à celle de Jésus, aux images des papes qui ont succédé à Saint-Pierre et aux ancêtres du Christ, c'est une série de tableaux ayant pour sujet le corps de l'Homme, source de péché mais aussi d'espérance, qu'ont peint les artistes ayant travaillé à la décoration de la capella.
Si les sujets éblouissent, la technique employée pour réaliser les fresques a de quoi surprendre: utilisée aussi par le peintre Raphaël, elle consiste à peindre directement sur l'enduit fraîchement utilisé pour couvrir les murs, d'où le mot "fresco". La peinture sèche en même temps que l'enduit et devient partie prenante du mur à recouvrir.
Aujourd'hui, la chapelle, visitée certes par des milliers de touristes, constitue également un haut lieu de la vie politique vaticanaise, puisque c'est en ses murs feutrés que sont élus les papes lors des conclaves rassemblant les cardinaux à Rome. Marc Ouellet y sera-t-il un jour élevé au rang de Souverain pontife? Dieu nous en garde. J'aurais d'ailleurs dû allumer un lampion à cet effet sous la coupole bienfaitrice de la basilique Saint-Pierre...
Trésors de l'humanité
La chapelle Sixtine ne constitue qu'un des nombreux trésors de l'humanité qu'abritent les Musées du Vatican, enfilade de salles et de galeries dans lesquelles on pourrait déambuler une semaine durant, surprenamment contemporains dans leur pavillon d'accueil. Guidé par un personnel efficace, nous y entrons rapidement, nous équipons d'un audioguide en français, avons accès facilement aux toilettes, boutiques et restaurants. Nous peinons seulement, au terme d'une visite de près de 4 heures, à en trouver la sortie!
Dès le début de la visite, je suis soufflé par les pièces du Museo Gregoriano Egizio, consacré aux pièces rapportées d'Égypte sous l'empire romain. Nous y admirons des hiéroglyphes remontant à 2600 avant Jésus-Christ, des sarcophages de marbre et de bois dont les couleurs sont admirablement conservées ainsi qu'une foule de menus objets et statuettes provenant du pays de Cléopâtre. À côté de ces pièces, l'exposition Fascinantes momies égyptiennes du Musée de la civilisation de Québec doit paraître d'un pâle intérêt! Si les centaines de statues de marbres de l'Antiquité romaine du Museo Pio-Clemento, elles aussi en parfait état ou presque me semblent aussi spectaculaires, cette plongée au coeur de la civilisation égyptienne obsédée par le culte des morts m'a vraiment ravi. Quoique les sculptures romaines de la Salle des animaux possèdent aussi leur charme, parfois ludique!
Éblouis par la richesse des pièces des premiers musées, nous accélérons le rythme de notre visite en nous basant sur les recommandations de notre cher Lonely Planet, traversant de toute façon tous les musées et y jetant un oeil au moins attentif. Encore des statues de divinités antiques dans le Museo Chiaramonti, sculptures, candélabres de marbre et tapisseries dans les Galleria dei Candelabri et degli Arazzi, et les superbes et immenses cartes géographiques -40 en fait- aux couleurs vives de la Galleria delle Carte Geografiche, représentant les différentes régions de l'Italie de l'époque (1580 à 1583), cartes "régionales" coiffées par 2 tout aussi imposantes de l'Italie antique et de celle de la Renaissance. Le plafond de cette galerie, couvert de fresques évoquant la vie des Saints et l'histoire de l'Église, est presque aussi beau.
J'avoue en fait avoir davantage porté d'attention à cette magnifique galerie qu'aux pourtant célèbres chambres du peintre Raphaël, décorées par lui ou sur sa supervision, pourtant oeuvres majeures des musées vaticanais. Richement ornées, elles servaient d'appartements aux papes, dont Jules II, encore lui, qui décidément, faisait confiance à la jeunesse puisque c'est à un jeune Raphaël de 25 ans qu'il en confia la décoration!
À la suite de notre visite de la chapelle Sixtine, la beauté nous attendait encore dans une série d'autres musées, dont la Pinacoteca et ses 460 toiles, et parmi elles quelques chef-d'oeuvres de Raphaël, et dans une série de salles consacrée à l'art contemporain religieux, inaugurée par le pape Paul VI -celui qui interdit la pilule contraceptive dans les années 1960- pour notamment réconcilier les artistes avec l'Église, artistes que celle-ci avait brimé dans leur créativité pour en canaliser le talent à des fins de propagande.
Que retenir de cette visite des Musées du Vatican?
Que la richesse de l'Église fait honte? Qu'elle n'aurait pas dû "s'emparer" de tous ces trésors et devrait plutôt les retourner à certains pays, dont l'Égypte? J'y vois plutôt une chance inouïe que l'Église catholique et ses papes aient constitué ces musées et rendent toutes ces pièces accessibles au public -on peut presque y toucher, je me demande sincèrement comment toutes ces œuvres sont conservées dans un musée dont les fenêtres sont parfois ouvertes, les pièces ensoleillées et la température peu contrôlée. Pour aussi peu que 13 euros, on accède à de véritables trésors, par lequel on appréhende des civilisations entières.
Si j'étais sur Facebook, je dirais "J'aime"!