jeudi 11 septembre 2008

La culture pour vivre


Avec Ce qu'il faut pour vivre, le cinéaste Benoit Pilon, appuyé par les talents de scénariste de Bernard Émond (magnifique La Neuvaine), livre un film peu bavard, mais pourtant tellement éloquent, sur l'exil, le choc et les barrières culturels, la transmission de cette culture qui anime et définit ce que l'on est. Le film met surtout en évidence les talents du comédien Natar Ungalaaq, dont le visage et le regard sont littéralement transparents, fenêtre tantôt ensoleillée, tantôt sombre sur une vaste palette d'émotions.

Ce qu'il faut pour vivre raconte le départ obligé de Tivii de son village de la Terre de Baffin, en 1952. Atteint de tuberculose, cet Inuit qui existe d'abord pour chasser et nourrir sa famille est forcé de s'embarquer à destination de Québec, afin d'y être soigné. Enfermé dans un hôpital, Tivii s'adapte péniblement au monde des Blancs, dans lequel il ne possède aucun repère, là où les arbres "empêchent de voir loin", où chaque meuble, chaque mur, chaque fenêtre est une cloison le séparant de cette nature qu'il chérit, où la  communication avec les gens qui l'entourent passe difficilement par les mots, mais par les petits gestes du quotidien.

Tivii sera sauvé par une infirmière pleine de compassion qui tente tant bien que mal de le convaincre de vivre -lumineuse Éveline Gélinas-, mais surtout, par un jeune garçon, Inuk comme lui mais parlant la langue des Blancs, avec qui il peut partager son savoir-faire, les légendes et les traditions qui ont façonné son peuple.

Tout est simplicité dans ce film: les décors, les dialogues, les enjeux, mais tout est aussi vraiment authentique. On apprécie l'oeuvre pour la présence et l'investissement des comédiens ainsi que pour la profonde humanité s'en dégageant.

Les Québécois ont boudé leur cinéma à la fin du mois d'août, paraît-il, alors que s'amenait enfin l'été! Alors que la rentrée nous offre une variété de films de chez nous et que les premières annonces de risque de gel au sol -oui oui, déjà!- se font déjà entendre, réapprivoisons les salles ... et la délicieuse atmosphère du café du cinéma Le Clap!

La culture, cet impossible enjeu

L'attachement profond que voue le personnage de Tivii à la culture dont on l'a déraciné dans Ce qu'il faut pour vivre m'invite à réfléchir sur la campagne électorale en cours. Les récentes coupes faites par le gouvernement conservateur dans divers programmes culturels deviendront-elles un enjeu électoral au coeur d'une campagne hyper-négative centrée encore une fois sur la stratégie et les déclarations controversées plutôt que sur le contenu?

La fierté d'un peuple à l'égard de ce qu'il est passe, en partie en tout cas, par la force et la variété de sa culture et par le rayonnement de celle-ci à l'étranger, sous différentes formes. Comment voyagerons ces danseurs, acteurs, cinéastes, sculpteurs, peintres, musiciens qui nous représentent à l'étranger sans les subventions qu'on leur accordait pour partager leur talent à l'extérieur de nos frontières? Sûrement pas avec le salaire qu'ils gagnent. Le Canada devra-t-il désormais compter sur ses seuls soldats pour jouer les ambassadeurs au sein du "concert des nations"? 

Se tromper de cible

Suis-je devenu cynique? La campagne fédérale telle qu'elle est menée actuellement ne m'allume pas du tout. Les clichés traditionnels de cette politique partisane qui m'exaspère de plus en plus défilent les uns après les autres: les attaques personnelles fondées sur des faits qu'on déforme grossièrement, les annonces mises en scène de toute pièce, le bébé dans les bras de Stephen Harper... Difficile d'être inspiré par toutes ces figures imposées pensées par des faiseurs d'image!

Et puis, si l'enjeu de l'élection, selon Le Bloc québécois, Le Parti libéral du Canada ou le Nouveau parti démocratique, est cette montée de la droite qu'il faut ralentir, voire enrayer, pourquoi les partis dits progressistes ou de gauche ne consacrent-ils pas davantage d'énergie à constituer une alliance stratégique plutôt qu'à jouer le jeu du parti au pouvoir? Poser la question, c'est y répondre: pour régner seul lorsque le dit pouvoir viendra, sans doute! Difficile de parler de convictions en observant le jeu politique actuel.

Il est tout de même un peu pathétique d'entendre les députés Thomas Mulcair (du NPD) et Serge Ménard (du Bloc) en entrevue à Christiane Charette s'entendre sur à peu près tous les enjeux -à l'exception de l'avenir constitutionnel du Québec, évidemment-, se relancer à coup de "Nous sommes d'accord là-dessus"... avant de  se combattre mutuellement au Québec. Un beau gâchis de ressources. Oui, je suis content que la chef du Parti vert, Élizabeth May, soit conviée au débat des chefs les 1er et 2 octobre prochains. N'empêche qu'ils ne seront plus 3, mais 4 partis, à se diviser le vote de gauche et pro-environnemental.

Les conservateurs en route vers un gouvernement majoritaire? Je n'ose y penser...

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