lundi 6 avril 2009

Je suis un dinosaure


Je suis un dinosaure... et l'heure de ma glaciation approche, je le sens!

Pourquoi? Parce que je suis encore abonné à un journal imprimé...

Depuis le début de l'année 2009, je constate avec mélancolie la fonte abrupte de ma Presse chérie. Autrefois véritable bottin téléphonique, l'édition du samedi du quotidien montréalais, quoiqu'encore consistante et agréable à parcourir, a subi une cure minceur au profit, je le devine par les nombreuses incitations à le consulter peuplant mon édition papier, du site Internet Cyberpresse.

De plus en plus riche en contenus multimédia, en blogues et en reportages originaux, Cyberpresse est évidemment à la page : on peut depuis quelques semaines recevoir ses nouvelles fraîches sur Twitter, le réseau social de l'heure qui permet d'échanger avec son réseau de contact des "gazouillis" d'un maximum de 140 caractères. Pourquoi attendre au lendemain pour lire un reportage de 2 pages sur le même sujet quand la démission de Guy Carbonneau "tweet" sur son cellulaire la veille à 17 h?

Ma Presse imprimée, donc, a perdu des plumes.

Elle a non seulement de la difficulté à trouver un camelot efficace pour la distribuer mais elle perd du contenu dans ses différents cahiers, quand ce ne sont pas les cahiers eux-mêmes qu'on enterre. Coût élevé du papier journal? Sans doute. Perte de revenus publicitaires? Ils se déplacent sur le Web... Ces jeunes qui ne lisent plus? Ils sont pourtant de plus en plus nombreux devant leur écran. Quête continue d'information? Désir de lire des textes plus courts partout, n'importe quand, grâce à son téléphone intelligent I-Phone, à son mini-portable ou à son Black Berry?

Le quotidien imprimé nage à contrecourant...

Si de mon salon je suis témoin de sa lente agonie, je ne peux demeurer sourd aux nombreux reportages et entrevues entendus ces derniers mois sur le sort des journaux traditionnels. Plusieurs se meurent, notamment aux États-Unis, où des institutions comme le San Francisco Chronicle, le Los Angeles Times et le Chicago Tribune vivent des temps difficiles. Sur Cyberpresse, la journaliste Agnès Gruda décrit ces petites morts dans son article Dure époque pour l'information publié hier.

Chez nous, on entend parler des difficultés financières du quotidien anglophone de Montréal, The Gazette, de coupes massives chez son cousin de Québec, Le Soleil. De plus en plus, je me dis que plusieurs journaux "papier" ne passeront pas l'année.

Ce passage de l'imprimé au Web soulève plusieurs enjeux abondamment discutés dans les médias car les médias aiment parler d'eux-mêmes, c'est normal.

  • Sur la Toile, la qualité de l'information sera-t-elle au rendez-vous?
  • L'analyse et les dossiers d'enquête cèderont-ils leur place à des entrefilets et à une abondance de commentaires de "journalistes citoyens"?
  • Y a-t-il encore un avenir pour l'information régionale, cette information qui peut parfois constitué un moteur d'engagement ou de mobilisation?
  • Que deviendront ces journalistes du Web a qui on demande de rédiger un article, de prendre des photos, de tourner des vidéos et de nourrir un blogue toujours plus vite et sans faire de fautes en plus?
  • Comment faire vivre cette nouvelle sur le Web qu'on nous sert gratuitement mais qui coûte pourtant cher à produire?
Quelques citations sur le sujet tiré de l'article d'Agnès Gruda:
«Le problème, c'est que nous n'avons pas encore trouvé comment le web peut générer assez de revenus pour soutenir le type de journalisme qui se pratiquait jusqu'à maintenant.» (Sam Shulhofer-Wolf, professeur de journalisme à l'Université de Princeton)
"Les médias de masse, c'était l'affaire du 20e siècle. Aujourd'hui, la tendance est plutôt à l'information sur mesure: chacun va chercher ce dont il a besoin. Et perd un peu du reste..." (Florian Sauvageau, expert québécois des médias, aussi cité par Gruda)

"Mais à l'heure de l'information cafétéria, où chacun ne se sert que les plats qui correspondent à ses goûts, quels médias auront les reins assez solides pour financer de grandes enquêtes et mettre au jour de gros scandales? Et s'il n'y en a plus, à quoi au juste serviront les journalistes?" (Agnès Gruda)
Du divan à l'écran?

Bien que très intéressé par ces réflexions sociologiques, je suis touché par le problème de façon très égocentrique. J'éprouve une profonde nostalgie en songeant que je devrai trouver une nouvelle incarnation à mon plaisir du samedi matin, 9h : plonger dans mon journal avec une tasse de café couché sur un divan la tête dans l'actualité. Ça salit les doigts un journal? Certes, mais c'est pas cher payé pour être transporté dans une foule d'univers!

Internet le fait aussi bien et davantage, me direz-vous. Mais je ne peux pas me résoudre à lire mes nouvelles assis devant mon ordinateur de table. Achetez un portable pour continuer à m'informer "évaché"? M'abonner à l'édition électronique de mon compagnon du samedi? Je devrai sans doute m'y résoudre.

Et savez-vous quoi? Je me suis découvert un côté "carré"! J'aime être encadré, limité, balisé. Un journal, ça quelque chose d'exaustif, un début et une fin. On a beau commencé par le cahier A ou celui du cinéma, la démarche est la même: on tourne les pages jusqu'à ce qu'on les aient toutes lues!

Sur Internet, la lecture est toute autre: un hyperlien en entraîne un autre, on bondit de sujet en sujet, sans plan prédéfini, en se perdant souvent dans l'abondance. Mais n'est-ce pas la richesse de ce médium?

Je me révèle donc bien vieux jeu pour un conseiller en communication dont le travail ces temps-ci consiste à revoir les contenus d'un site Internet. Utilisateur quotidien du Web, je n'ai pas encore acquis les réflexes de N. qui s'empresse de consulter la Toile pour en savoir plus sur le mode de cuisson des bok-choy, saisir dans Google le nom latin des plantes vertes que nous tentons de préserver dans le but d'obtenir des conseils sur leur entretien ou tirer profit de l'expérience de rénovateurs virtuels dans l'espoir de choisir le produit magique qui redonnera du lustre à notre plancher de bois franc.

J'exagère un peu, mais je m'appuie quand même encore sur un guide de voyage traditionnel pour planifier ma prochaine expédition outre-Atlantique. Besoin de circonscrire l'information pour mieux la traiter, encore une fois...

Un conférencier entendu dans le cadre de mon travail distinguait les immigrants des natifs du Web, cette génération que l'extraordinaire outil de communication qu'est Internet a accompagné tout au long de ses études, du primaire à l'université. Ces jeunes devenus travailleurs réseautés, multitâches et multiplateformes qui ne se sont jamais limités dans leur utilisation de cet outil à l'envoi de courriels ou à la recherche d'un numéro de téléphone dans Canada 411.

Qui sait si la frontière séparant ces 2 générations ne s'établit pas quelque part entre 31 et 33 ans?

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Intéressante cette réflexion sur l'usage d'internet et l'avenir de la presse écrite!
Eh oui, moi c'est tous le jours, le journal et le café matinal. Je ne peux me résoudre au journal à l'écran de l'ordinateur. Je suis peut-être de la génération avant les dynausaures...car je n'ai ni cellulaire, ni blackberry, ni autre bébelle électronique de communication... Et je m'en passe facilement...
JYT