À l'heure du Web 2.0, les superhéros communiquent entre eux par iPhone, se donnent rendez-vous sur My Space, s'orientent à l'aide d'un GPS et voient leurs exploits diffusés en direct sur You Tube grâce aux téléphones portables de leurs fans. Bienvenue dans l'univers de
Kick-Ass, pur divertissement "tarantinesque", dans lequel la trame classique des films de superhéros embrasse le politiquement incorrect.
Film tout aussi inclassable que surprenant, ce Kick-Ass, du réalisateur Matthew Vaughn. Comédie noire teintée de "gore" et de scènes violentes parfois à la limite du soutenable, film d'action, de combats et de cascades, bande dessinée sur grand écran? Évidemment tout cela à la fois.
De zéro à héros
Dave Lizewski, adolescent mal dans sa peau, pas rejeté mais tout de même taxé, rêve de devenir superhéros pour devenir quelqu'un. Dans cette New-York anonyme filmée toute en hauteur comme dans les plus récents Batman, Dave présente des ressemblances troublantes avec le Peter Parker de Spiderman :
- orphelin de mère -elle n'a "malheureusement" pas été assassinée, comme celle de Bruno Wayne, mais a plutôt succombé "bêtement" à un anévrisme au cerveau, c'est Dave qui le dit
- habitant un quartier de banlieue peu nanti
- amoureux de son inaccessible voisine de casier
l'adolescent perdu tente de gagner l'amitié du fils de riche solitaire négligé par son père, Frank d'Amico, un mafieux de la pire espèce.
Beaucoup de politiquement incorrect
Dans sa quête de justice, celui qui va devenir Kick-Ass voit son destin entremêlé à celui de 2 autres "faux" superhéros, Hit-Girl et Big Daddy -surprenant Nicolas Cage-, assoiffés de vengeance à l'égard de d'Amico, responsable de la mort de leur épouse et mère. Démarre alors une histoire à la fois sombre et lumineuse, dans laquelle le réalisateur évite tous les clichés de films de superhéros, s'en moque même, pour flirter avec un politiquement incorrect parfois dérangeant:
- superhéros sans pouvoir
- fillette de 11 ans "dressée" pour devenir une machine à tuer
- quiproquo sur l'orientation sexuelle du héros du côté de sa fiancée qui rêve tellement d'un meilleur ami gai.
L'individualisme à l'heure de You Tube
L'oeuvre de Vaughn pose aussi un regard froid et lucide sur l'individualisme et le voyeurisme de la fameuse société 2.0, celle où on s'empresse de filmer et de photographier sur son portable des scènes violentes plutôt que d'intervenir, celle où la télévision refuse de présenter une vidéo extrêmement dure... tout en encourageant son public à aller voir la suite sur Internet.
Attention! On ne meurt pas toujours de belle façon dans Kick-Ass et le sang y gicle et pisse sans retenu. Malfrats broyés par une déchiqueteuse de voitures ou explosant dans un four à micro-ondes industriel, héros frappés à coup de bâton de baseball, quasi torturés... pas toujours facile à visionner, ce Kick-Ass. Mais chapeau à sa direction artistique, qui emprunte énormément à l'univers du réalisateur
Quentin Tarantino : discussions tendues à l'extrême qui se terminent en bain de sang, esthétique à la limite du kitsch, trouvailles musicales parfois en total désharmonie avec les scènes qu'elles accompagnent.
Kick-Ass porte toutefois sa propre signature, celle d'un réalisateur et d'un scénariste vraiment talentueux. Dans un rôle difficile et exigeant physiquement s'apparentant à la mariée justicière des
Kill Bill 1 et 2, Chloë Grace Moretz (Hit-Girl) "accote" sans peine la prestation de Uma Thurman, la muse de Tarantino: cette Chloë est fantastique.
Sorti de nulle part mais à découvrir, ce Kick-Ass, si quelques scènes "gore" ne vous dégoûtent pas trop.
Pour public averti.