Fermer avant de « devenir folles »
Dans « Costco », Foglia rappelle l'histoire de la Librairie Blais, associée à celle de l'imprimerie fondée au même endroit, sur la rue de la Cathédrale. Il s'intéresse à ses libraires, dont Mme Hélène Chassé, qui a déserté la capitale bas-laurentienne pour Montréal où elle a peut-être déniché une clientèle plus fiable.
Quant aux 3 propriétaires actuelles, écrit le chroniqueur, elles « n'en pouvaient plus ».
Costco, mais aussi Amazon, Archambault, le iPad qui s'en vient... Elles mettent la clé sous la porte ce soir avant de devenir folles - peut-être même un peu après.Foglia termine en relatant la venue expresse à Rimouski du fils du fondateur de la Librairie, résidant maintenant dans la région de Montréal, pour acheter le dernier livre de l'établissement. Gilles Blais y a vu son père Roméo conseiller des clients... sans même avoir jamais lu un livre de sa vie!!
Des rabais, mais à quel prix?
On paie Millénium moins cher chez Costco ou chez Wallmart, mais est-ce qu'on s'y procure un exemplaire d'Un ange cornu avec des ailes de tôle de Michel Tremblay ou l'excellent roman Nikolski de l'auteur pistolois Nicolas Dickner? Je me suis déjà présenté à la Librairie Pantoute sur la rue St-Jean, dans le Vieux-Québec, avec en tête l'idée d'offrir à un ami séjournant au Brésil un roman traitant du pays de Lula ou écrit par un auteur de cette contrée. Croyez-vous qu'un associé du Club Price m'aurait déniché Rouge Brésil de Jean-Christophe Ruffin entre 2 exemplaires d'une édition des aventures d'Harry Potter?
Telle est la menace qui plane sur l'industrie du livre: une fois que les librairies indépendantes auront été avalées par des grandes surfaces sans âme, nous seront condamnés à nous y rendre pour acheter nos livres entre 2 allées de papier hygiénique. On nous y servira uniquement des livres rentables, entendre ici des best-sellers pas toujours de qualité, au détriment d'une multitude d'œuvres souvent plus digestes et passionnantes. Fini les découvertes réalisées grâce aux conseils de libraires érudits ou passionnés.
Une fermeture symbole de fragilité?
Mais revenons à Rimouski, ma ville natale qui, avaisi-je l'impression, a réussi à préserver son centre-ville. On côtoie sur la rue Saint-Germain, tant à l'est qu'à l'ouest de la rue de la Cathédrale, des commerces exclusifs aux enseignes retapées et aux produits alléchants:
- la Brûlerie d'ici et son café frais moulu
- son voisin, le bar Le Barista, qui partage avec le Café Saint-Louis une des plus belles terrasses en ville
- la librairie L'Alphabet et sa vaste sélection de jeux de société, de jouets pour enfants et de publications du Québec
- la boutique de jouets Roudoudou
- de petits bars sympathiques comme Le Rhinocéros et le Saint-Barnabé
- la microbrasserie Le bien et le malt
- la crêperie Le Crêpe-chignon
- la boulangerie Les baguettes en l'air
- le bistrot Chez Saint-Pierre, notamment,
Lutter contre la Cité des achats
Un centre-ville en santé, donc, sur lequel règnent la salle de spectacle Desjardins-Télus toute vitrée, un musée d'art contemporain aménagé à même un ancien couvent et une cathédrale qu'on a vidé de son patrimoine, mais qui triomphe tout de même dans le ciel rimouskois aux côtés d'un presbytère aux lignes élégantes. Les commerces du centre-ville, les Halles Saint-Germain au premier chef, refuge de desserts, de bonbons, de fromages, de saucisses exquises, de poissons, de bons pains et du Café du même nom, semblent prospérer et attirer une clientèle qui fait les courses avant de déguster un chocolat chaud royal ou un allongé.
La lutte contre la Cité des achats, qui a entraîné vers un obscur parc industriel du sud-est de la ville plusieurs adresses de grandes chaînes -de Saint-Hubert à Desjardins en passant par Tim Horton, Score, Super C, Clément, etc.- aux côtés du Wallmart est-elle gagné pour autant? La fermeture de la Librairie Blais me rappelle tristement que non, ce matin.
Faire ses courses le long de l'autoroute
Cette disparition se conjugue à la drôle d'idée d'une société phare de l'art de vivre des Québécois, la SAQ. Celle-ci vient de fermer ses 2 succursales au centre-ville de Rimouski pour aller elle aussi se faire voir à l'est, à proximité de l'autoroute 20, coupable d'avoir bouleversé de façon majeure l'urbanisme rimouskois. Résumons: on peut se procurer sur la paisible rue Saint-Germain, en vagabondant à pied d'une adresse à l'autre, du café équitable, du chocolat noir, des fruits frais, du poisson fraîchement pêché, des saucisses aux saveurs variées, des fromages gourmands... mais pas de vin pour accompagner cette joyeuse boustifaille.
J'ose espérer que la dynamique Association des marchands de Rimouski convaincra la SAQ d'installer une succursale sur la rue Saint-Germain, pour que cette rue bordée par le fleuve redevienne le lieu des courses épicuriennes de la ville. Elle offrira ainsi aux Rimouskois tous les plaisirs de la bonne bouffe sans qu'ils n'aient à se rendre dans l'un des secteurs les plus laids de la ville, enrichir des adresses ayant leur siège social à l'extérieur de la ville ou aux États-Unis.
Sauver le centre-ville d'affaires et culturel
Quant à la vitalité culturelle de la rue principale rimouskoise et des institutions du spectacle qui l'entourent, elle demeure elle aussi fragile. Cinéma 4, le cinéma indépendant de Rimouski qui survit de peine et de misère, doit composer avec une décision stupide du cinéma commercial Le Lido d'offrir lui aussi des films de répertoire... avant son « concurrent ». Des cinéphiles convaincus tentent depuis des années d'offrir du cinéma diversifié aux Rimouskois pour des pinottes: était-il nécessaire qu'un cinéma commercial qui fait ses frais aille jouer dans ses plate-bandes? Rimouskois, cessez, comme le suggérait mon amie NL, d'aller voir du cinéma d'auteur au Lido et encouragez Cinéma 4!
En conclusion?
Dimanche pluvieux à Rimouski: payez-vous un bon roman à L'Aphabet, entreprenez-en la lecture réchauffé par un allongé à La Brûlerie, souper d'une crêpe du jour au Crêpe-Chignon puis laissez-vous emporter par le plus récent Xavier Dolan à la salle Georges-Beaulieu, hôte de Cinéma 4. Une journée militante pour redire votre amour à un centre-ville qu'on ne souhaite pas canibaliser par des chaînes allergiques à l'économie locale.
4 commentaires:
Oui les grandes surfaces ont joué un rôle dans cette fermeture mais je crois plus que c'est dans le volume qui est imposé aux commerces et que Rimouski n'est pas une si grande ville que cela...
Alors c'est la librairie l'Alphabet qui en évitant sa fermeture en 2006 mais en prenant de l'expansion depuis qui a survécue mais qui en même temps à aider la fermeture de Blais.
Il faut identifier vos vrais concurrents même s'ils sont aussi des amis en affaires.
Tu vas dans un p'tit café ? Cela n'a rien à voir avec Tim Horton. C'est autre chose et c'est tant mieux.
La même chose si on parle d'un Frite Alors présent ici à Montréal mais pas en banlieue versus McDo... C'est 100 fois meilleur ou même plus au niveau du rapport qualité/prix.
C'est pas du militantisme c'est d'avoir le choix. À Montréal au Centre-Ville tu as le choix. C'est sûr, mais tu peux aller dans une grande surface aussi comme Chapters /Indigo. Les gens ne vont pas courir d'un bout à l'autre de l'île juste pour un livre...
Peut-être que des clients de Wal-Mart le font pour d'autres achats mais pour des livres pour une clientèle donnée ?
Excellent billet. Même si je n'y vais qu'une fois par année, tu décris le Rimouski que j'aime et tous les endroits que j'ai plaisir à fréquenter.
Pardon d'en rajouter un mais en affaires il faut bien identifier ses compétiteurs...
Un McDo ici et un Subway ? Oui peut-être qu'ils ont joué un rôle dans la fermeture d'un Valentine et d'un Burger King.
Wal-Mart n'est pas vraiment ton compétiteur pour le petit libraire sauf pour certains articles. Sur lesquels tu devrais te retirer ou ne vendre qu'une toute petite quantité plutôt que de faire des efforts pour attirer une clientèle qui n'est pas la tienne chez vous.
Tim ? C'est Dunkin Donuts.
Les commerces le long des autoroutes je les fuis... Mais les chaînes ou les magasins de bas prix ont toujours existé en province et partout ailleurs... 5-1-15, Jaymore et nommez les...
Mais oui ils ont dépersonnalisé et fait fermé des restaurants de patates frites... Certains excellents, d'autres très mauvais.
Renaud-Bray et Archambault ont-ils fait disparaître des libraires et disquaires ? Oui mais tous de grande qualité et où il n'y avait pas tellement de choix et du Céline Dion vendue elle aussi.
Chapters/Indigo et Renaud Bray sont des meilleures libraires que plusieurs qui étaient dans des centres commerciaux. Ou des papeteries-libraires. Bien plus de choix et de variétés et avec ceux dont vous parlez mais...
Les vrais libraires spécialisés et disquaires eux c'est dommage c'est la même chose pour les clubs vidéos de répertoire comme il y avait ici à Saint-Lambert mais que je n'habite pas... Le commerce était tout petit... Et pas juste les bons et excellents qui ont fermé plein de clubs vendant de la soupe ont fermé.
La même chose pour les cinémas de quartier. Le Beaubien à Montréal sauf que c'est loin de chez moi et c'est pas mon quartier.
Je suis dans une ville-dortoir mais il y a quelques cafés spécialisés ou restos qui ont bien de l'allure en plus des fast food de chaînes. IL faut se déplacer un peu encore ou avoir un budget prévu.
Montréal, elle regorge d'endroits où on a le choix et dans diverses catégories de prix. Mais malgré cela quand on est plus pressé, il faut parfois choisir le plus près... On a un bus à prendre ou un concert à ne pas manquer...
Rimouski, centre-vide, est une destination qui ressemble à ces lieux désolés et vides qu'on n'ose plus fréquenter.
C'est malheureux, mais la seule chose qui peut sauver cette rue se nomme "Les Deux Tours". C'est la seule chose qui y sera construit dans les 50 prochaines années.
Rimouski a son coeur en dehors de son corps. Tout mène vers la Cité des Achats.
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