samedi 11 septembre 2010

Londres, difficile à apprivoiser

Tower Bridge
Londres ne se laisse pas apprivoiser aussi facilement que Rome, Berlin et Paris.

Prise dans son individualité, dans chacun des sites que nous visitons, dans chacun des restaurants dans lesquels nous nous sustentons, dans notre hôtel pour lequel je ne taris pas d'éloges, Londres a du charme. Mais dans son ensemble...

Qui suis-je pour écrire ceci après 4 jours d'errance londonienne, mais presque chaque immeuble, chaque site ou chaque rue de la capitale anglaise me paraît construit uniquement pour lui-même, pour le mettre en valeur au détriment de ses voisins. Autant de plantes égoïstes se disputant la rare lumière du soleil sous les cimes d'une forêt trop dense...

Bordel urbain

Prenons la City, le cœur financier et historique de Londres. Vue du sol comme du dôme de la cathédrale St-Paul, somptueuse église dans laquelle Charles et Diana ont convolé, le secteur qui a vu naître la ville a l'air d'un enchevêtrement un peu bordélique de grattes-ciels et de lieux de culte dans lequel le château de la Tour de Londres survit tant bien que mal.

On cherche en vain une avenue Unter den Linden ou un boulevard des Champs-Élysées qui mettrait un peu d'ordre dans tout ça et replacerait chacun... à sa place. Une lutte pour le soleil d'une série d'égos de verre, de béton, de marbre, de briques: voilà à quoi ressemble la City.

Des quartiers qui se tournent le dos

Mercredi matin, nous décidons de marcher jusqu'à cette fameuse City pour notre visite à la Tour de Londres. Mauvaise idée... Notre quartier (Shoreditch), l'hôte de restaurants fort appétissants, de bars et de clubs supposément "trendy", bref, l'endroit où il faut être vu, nous répète le Lonely Planet, ne possède aucun charme hors des pistes de danse. Derrière les portes, y a de quoi voir. Mais sur la rue... je préfère encore la 1re avenue de Charlesbourg.

Tour de Londres
Alors qu'on approche les "skycrappers" du quartier financier, aucun pont, aucune place, aucun aménagement quelconque ne relie Shoreditch et Spitafields, notre secteur, à la City, qui lui tourne carrément le dos. Et une fois au royaume des gens d'affaires, aucune voie ne nous montre la direction vers la Tour de Londres qui se révèle pourtant être bien plus qu'une tour: c'est un véritable château-fort, lieu des couronnements, de sépulture... et d'exécutions des monarques anglais.

Sanglantes et fascinantes histoires

Un peu désolant, cette absence de vision d'ensemble, mais qui n'enlève en rien au plaisir de nos visites. Nous passons presque 4 heures entre les remparts de la Tour de Londres, visite d'une journée -et encore, c'est presque pas assez- qui nous ouvre un livre d'histoire si peu poussiéreux fait de légendes sanglantes et de récits fascinants: celui des épouses décapitées du cruel roi Henri VIII, par exemple.

Portés par toute la théâtralité des Yeoman Warder, les Hallebardiers de Sa Majestée, ex-hauts gradés de l'armée anglaise chargés aujourd'hui de faire visiter la Tour, ces récit deviennent parfois dégoûtants lorsque notre guide-comédien nous décrit en détails l'exécution ratée d'un héritier au trône d'Angleterre décapité à 5 reprises par un bourreau alcoolique. Les remparts de la Tour, dont la forteresse initiale a été érigée par Guillaume Le Conquérant au 11e siècle, offre en plus une vue majestueuse sur le Tower Bridge, une des emblèmes de la capitale.


Le complexe réseau du Tube

Abbaye de Westminster
Au premier abord, le métro de Londres, le fameux "Tube", ne nous réconcilie pas avec la ville. Ce métro est sans doute le plus compliqué que j'aie emprunté à ce jour! Reniant tout effort de simplicité, ses quais ne sont pas identifiées par la direction -la station finale- de la ligne que nous voulons utiliser, mais par le nom de la ligne. Il faut donc constamment repérer la station vers laquelle on se dirige sur un des nombreux panneaux précédant chaque quai pour déterminer si on doit choisir la Northbound, Southbound, West or Eastbound Plateform. Faut pas être pressé...

La Nothern Line -celle, évidemment, sur laquelle se trouve la station située à proximité de notre hôtel- possède quant à elle 4 branches! Nouvelle difficulté qui s'ajoute aux mystérieuses absences des noms des stations finales. On doit penser à ne pas jeter son billet puisque sans lui, on dort dans le métro... Et, jour de notre arrivée, une station sur 3 est fermée!

Palais de Westminster (Parlement du Royaume-Uni)
Nous rageons sur l'inefficacité de ce Tube surchauffé -que ça doit être pénible le métro à Londres en janvier...- jusqu'à ce que ma mère m'apprenne qu'une grève a paralysé l'Underground londonien le jour de notre arrivée... Il faut bien être à Londres pour ne pas lire les nouvelles! Quoique celles de la BBC News étant murmurées avec un enthousiasme équivalent à celui des documentaires animaliers de Télé-Québec, on décroche rapidement... Heureusement qu'il y a de vieux épisodes de Friends à la télé le matin pour nous rappeler que celle-ci peut être divertissante!

Des visites mémorables

Je n'ai pas encore déniché de rues réellement séduisantes à Londres, vous savez, celles qui enfilent les vitrines accrocheuses, les bars, les cafés, les restaurants, les boutiques originales, qui débouchent sur des places animées, des réalisations architecturales audacieuses... Mais je me suis extasié par contre devant

  • les magnifiques mosaïques et l'incroyable dôme de la cathédrale St-Paul
  • le gigantesque mémorial à la nation que constitue le majestueux abbaye de Westminster: il faut voir son maître-autel, la lumineuse chapelle dédiée à Henri VII, les nombreux monuments et tombeaux, dont celui de la reine Elizabeth I
  • le palais de Westminster, le Parlement du Royaume-Uni construit sur le modèle d'une cathédrale gothique et dont la Chambre des lords contient le trône doré dans lequel sa majestée prononce le discours... du Trône, des vitraux et des décorations d'une richesse...
  • les pélicans se nourrissant sur l'un des rochers du lac du parc St-James, calme et réconfortant avec ses jardins à l'anglaise, ses sentiers dans lesquels s'est penché le soleil, et son voisin, le Green Park, avec ses chaises longues proposant une vue sur des arbres légèrement pourprés à l'arrivée de l'automne
  • les pelouses immenses de Hyde Park et ses allées de fleurs et de bosquets
  • les installations sans queue ni tête de la galerie d'art moderne -gratuite, il faut le dire- de la Tate Gallery. 
La Cathédrale St-Paul vue de la Tate Gallery
Et le soir venu, Londres en jette, quand même: Picadilly Circus -quoique moins vaste et éclaté que Time Square-, Trafalgar Square et sa colonne Nelson, l'abbaye et le palais de Wesminster et la tour de Londres illuminés, c'est splendide, surtout depuis un des ponts enjambant la Tamise -la Thames, en anglais.

La Londres de tous les jours

Que dire encore sur Londres? 
  • Que la foule sur les trottoirs et sur les rues me rappelle parfois Tokyo -il y a VRAIMENT du monde ici...
  • Que les Londoniens ont la gentillesse d'écrire sur les pavés, à l'intention des piétons, Look left ou Look right, quand on regarderait plutôt à droite ou à gauche avant de traverser les rues
  • Que notre hôtel, le Hoxton, m'enchante avec son petit déjeuner frugal -yogourt, jus d'orange, banane- servi chaque matin à notre porte, son café et sa cafetière disponibles dans les chambres, son hall avec fauteuils de cuir et foyer dans lequel on peut commander bières et martinis, son restaurant et sa terrasse centrale et son poste d'équipements informatiques commandité par Apple auquel j'ai pu expérimenter un iPad, wow!!
  • Que c'est un mythe d'affirmer encore qu'on mange mal, ici: les pubs se sont transformés en "gastropub", gastro pour gastronomie, pas pour maladie...
  • Que notre cuisine -nos déjeuners toasts-oeufs-bacon-saucisses-fèves au lard, notre pâté chinois, nos petits pois et nos patates bouillies- est définitivement d'inspiration british
  • Que la ville des Rolling Stones, de Blur et de Amy Winehouse voue un véritable culte à la culture: une publicité sur 2 dans le métro -et croyez-moi, nous l'avons surexploité le métro, parce qu'un peu déçus par le paysage urbain- fait l'annonce d'un spectacle, d'un opéra, d'un film, d'une exposition... ou d'un musical.
You got to pick a pocket or two

Numéro final du musical Oliver!
Je savais Londres capitale des comédies musicales et son public exigeant. Mais force est de constater qu'à proximité du bondé Leicester Square, siège des revendeurs de billets à rabais, on peut s'extasier devant toutes les catégories de musicals! Des musicals de haute réputation Phantom of the Opera, Chicago, Evita et Les Misérables au "nouveau classique" Billy Elliot en passant par Dirty Dancing (!!), Flashdance (!!!) et Legally Blonde -Oh my god...-, l'offre est large.

Inspirés par la publicité élogieuse faite par Laurent Ruqier et ses invités lors de l'émission française On n'est pas couchés, N nous dirige vers Oliver!, l'histoire du célèbre orphelin de Charles Dickens, Oliver Twist, mise en musique au début des années 1960 dans le plus pur style broadwayien. Confortablement installés sur le côté du Theatre Royal -nous avons payé nos billets moitié prix, mais voyons pourtant parfaitement la scène-, nous avons une vue imprenable sur le chef d'orchestre qui dirigera de main de maître ses musiciens campés dans la fosse. Je comprends alors ce qui manquait à Notre-Dame-de-Paris, un orchestre sur place.

Séduits par ce théâtre et ses corbeilles à l'ancienne, nous sommes prêts, quoiqu'un peu sceptiques... Nous serons soufflés dès le numéro d'ouverture par cette trentaine d'enfants vêtus de leur uniforme gris défraîchis chantant "Food, glorious food", exécutant dans une parfaite synchronicité leurs pas de danse au cœur de la misérable cuisine de leur orphelinat, tandis que défilent devant eux les plats réservés aux riches directeurs de l'établissement.

Oliver! raconte la sortie de cet orphelinat du pauvre Twist, vendu à une entreprise de pompes funèbres, puis, en fuite, tombant aux mains d'une bande de voleurs. Une cinquantaine de comédiens, de danseurs, de chanteurs rendent sur scène le Londres victorien de la 2e moitié du 19e siècle et quand je dis "rendent", c'est qu'on s'y croirait complètement!

La production avait de toute évidence les moyens de ses ambitions. Elle a engagé des artistes extrêmement talentueux, dont le chef de la bande des voleurs, Fagin -au départ joué par Rowan "Mr Bean" Atkinson, son assistante Nancy et surtout, surtout, le jeune dauphin initiant Oliver à la tire de rue. L'équipe s'est aussi fait plaisir en se payant des décors, des costumes et des accessoires tout aussi nombreux que réalistes et a pu compter sur un soutien technique sans faille.

Deux numéros mémorables nous plongent dans le Londres populaire, puis le Londres des riches de l'époque dans une enfilade de chorégraphies et de solos. Défilent tour à tour sur scène des clowns, une ballerine, un homme fort, de bruyants marchands et leurs étals, des gendarmes, une laitière, une vendeuse de roses, des enfants de bonnes familles et tout ce beau monde chantent et dansent dans un sans faute qui a soulevé le public... sans toutefois le conduire jusqu'à l'ovation. Les Londoniens sont plus réservés que les Québécois sur le "standing", mais tout aussi enthousiastes et vont même jusqu'à huer le méchant Bill!

Picadilly Circus
Nous sortons du théâtre conquis en chantant joyeusement les "Consider yourself", "Oliver" et "Who will buy". Ces chansons remplaceront-elles les vers d'oreille des Belles-Soeurs dont nous peinons à nous débarrasser? Visiter Rome, Berlin, Paris et Londres en chantant "Y ont les beaux pots, t'sais les beaux pots, en fer chromé", "Des toasts, du café, du bacon, des oeufs", "A l'ose à soir, se présenter" et "C'est B-14 qui m'manque", c'est pas chic!

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