La 81e cérémonie des Oscars couronnera-t-elle ce soir comme meilleur film Slumdog Millionaire du réalisateur Danny Boyle? Lente, semble-t-il, à s'assurer un succès grand public à l'automne 2008, l'œuvre séduit depuis bien des cinéphiles et mériterait amplement la prestigieuse récompense, ne serait-ce que pour son scénario adapté du roman Les Fabuleuses Aventures d'un Indien malchanceux qui devint milliardaire de l'écrivain indien Vikas Swarup.
Tranches de vie
Participant pour une mystérieuse raison au quiz à grand déploiement Who wants to be a millionaire, le jeune Jamal Malik épate l'auditoire du jeu télévisé en répondant à des questions pourtant, juge-t-on, inaccessibles à un méprisable serveur de thé illetré des bidonvilles. Or, et c'est la force du roman-scénario, chacune des questions évoque un épisode de la vie de Jamal, une vie faite de souffrance, de douleur, mais aussi de solidarité dans l'épreuve.
C'est ce qu'offre de si substantiel, d'émouvant ou d'original le scénario de Slumdog... Une incursion souvent désespérante, parfois teintée des douces lumières d'un amour candide, au coeur des bidonvilles surpeuplés et croulants de misère de Bombay-Mumbai, métropole de l'Inde "victime" d'un développement économique anarchique dont les premières victimes sont justement leurs habitants sans ressources. Une incursion tantôt sale et poussiéreuse, tantôt pleine de couleurs ou de spectaculaire -magnifiques images du temple Taj Mahal envahi par les touristes ou d'un immense lavoir où se déploient draperies et tissus multicolores-, à hauteur d'enfants débrouillards, mousquetaires qu'habite un seul idéal : survivre, ensemble.
Plus de gris que de rose bonbon
Une vie au coeur de la misère et de la violence qui choque et consterne, donc, mise en scène avec brio par Danny Boyle et son équipe, qui donnent parfois à leur film des allures de photo-reportage ou de documentaire. Les scènes sont saisissantes, les jeunes acteurs touchant dans le malheur qu'ils incarnent, la musique ajoute du rythme et de la profondeur, ou encore cette palette de beauté dont se colore en toute fin une histoire plus grise que rose bonbon.
Slumdog Millionaire n'est pas "un beau p'tit film plein d'espoir" mais plutôt un voyage -que certains n'ont pas jugé authentique- dans une Inde grouillante dont plusieurs des habitants peinent à se tailler une place sous le soleil de l'expansion économique... ou les paillettes du royaume du cinéma sucré qu'est Bollywood, le Hollywood du pays de Ghandi.
Une sélection quatre étoiles
Je n'ai pas vu Frost-Nixon, le 5e film en nomination aux Oscars, mais les 4 autres oeuvres retenues à ses côtés dans la catégorie reine du gala du cinéma américain constituent selon moi d'excellents choix. Que me reste-il de...
The Curious Case of Benajmin Button (L'étrange histoire de Benjamin Button)
- La beauté des images et des plans
- Les effets spéciaux qui nous font oublier qu'ils sont des effets spéciaux
- Cette douce lumière dans laquelle baigne une Louisianne post-ouragan Katrina
- Cate Blanchett dansant avec grâce le balet ou s'excitant dans un bed-in festif avec Brad Pitt au son de la musique des... Beatles, il me semble?
- Le lent mais pourtant cruel passage du temps
- Cette métaphore du veillissement incarnée par le bébé que devient Benjamin en fin de vie
Milk
- La force de caractère et l'empathie du militant campé avec assurance par Sean Penn
- Les premiers regards entre Milk et son amant en début de film
- Les teintes de sépia ou d'orangé des images aux airs de vieille camescope conduisant les 2 amoureux de New-York à San Francisco
- Une scène magnifique, coup de téléphone au cours duquel l'amant devenu ex lui avoue sa fierté à quelques heures d'un destin cruel
- L'ambiance joyeusement hippie qui infiltre le film
- La musique si pertinente des Swingles Singers
- Et bien sûr beaucoup de frustration à l'égard des défenseurs d'une proposition recommandant l'"éjection" des écoles des enseignants homosexuels pour qu'ils arrêtent d'apprendre aux jeunes à être gais!
The Reader (Le lecteur)
- L'intensité du jeu de Kate Winslet et de son partenaire adolescent, David Kross, un talent fort prometteur qui éclipse dans le film son alter-ego adulte, le comédien Ralph Fiennes
- La profonde tristesse qui pèse si lourd sur les épaules de ce jeune amoureux devenu avocat
- "Les questions existentielles" post-projection, dixit ma tante D. dont j'ai beaucoup apprécié le commentaire : qu'aurais-je fait si j'avais été à la place de cette femme dont c'était tout simplement le travail de servir dans les camps de concentration? Trop facile de condamner avec violence quand on est né après 1950...
3 films à voir, donc, tout comme... À l'ouest de Pluton, mon film de l'année 2008 qui sort cette semaine en DVD. Peut-être ai-je un parti pris pour tous les films qui traitent de la jeunesse ou de l'adolescence, mais je vous assure que ce bijou de long métrage réalisé avec des "peanuts" vaut le détour.
1 commentaire:
J'attendais de voir un des films avant de commenter. Je suis en retard mais je viens juste d'écouter à l'Ouest de Pluton.
Je suis totalement d'accord avec ta critique que je viens de relire. C'est tellement réaliste que c'est épeurant ! Je me suis reconnu mille fois dans tous les personnages, tout au long du film.
Qui plus est, c'est pas juste une vraie banlieue, c'est MA banlieue. Loretteville c'est à quelques pas de mon quartier d'enfance et d'adolescence. J'ai même cru reconnaîtres quelques rues et quelques racoins...
Comment oublier ces nuits blanches qui se terminent avec le lever du soleil... Un peu plus et ça me donne le goût de réessayer !
humm... pas vraiment à bien y penser !
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