mardi 28 décembre 2010

Bonnes adresses

Le temps des fêtes est non seulement propice au ski de fond, à la lecture, au cinéma, au visionnement interminable de séries en DVD -c'est sur Musée Eden et Les Tudor que je jette mon dévolu cette année!-, mais aussi à l'exploration de bonnes adresses! En voici quelques-unes...

Un nouveau Victor en basse-ville

Amateurs des burgers sophistiqués de Chez Victor, sachez que le maître es boeuf vient d'ouvrir une nouvelle succursale à proximité de la Gare du Palais. Si celle-ci "n'accotera" jamais ma préférée, celle, chaleureuse et animée, de la rue Saint-Jean, la p'tite dernière possède un atout de taille: ses chaises aux dossiers pastels colorés? Heu... oui, mais surtout sa salle à manger amplement fenestrée offrant une imprenable vue sur la gare du Palais et le quartier alentour.

Attention: cet été, ces fenêtres qui s'ouvriront sur la fontaine conçue par Daudelin, pièce maîtresse du quartier de la gare, seront courues!

Petites douceurs sur Saint-Joseph

Depuis octobre, je parcours abondamment la rue Saint-Joseph, dont les boutiques ultrachics font de plus en plus place à des commerces locaux et abordables. J'écume presque aussi souvent la reine du centre-ville de la capitale que mes amies SI, AG et LG, ce qui n'est pas peu dire...

J'aime
  • l'ambiance créative -et le nouveau 3e étage- de la Brûlerie Saint-Roch, le royaume du portable
  • les smoothies, la crêpe farcie jambon/oeuf/fromage/sirop d'érable, les bénés, les soupers qui s'étirent, les projections multimédia et les sympathiques et affables serveurs du Cercle
  • la qualité du design actuel des vêtements québécois de chez Blank
  • mon chapeau de fausse fourrure et ma chemise lousse de fin de semaine de chez Urban Outfiters, paradis du vintage et du look à la fois doudoune et branchouille
  • la verve du personnel et la cuisine abordable du bistrot français Les Bossus
  • l'Hôtel Pur et sa salle à manger ouverte pour les déjeuners, dans laquelle le regard se perd dans les immenses fenêtres mettant si bien en valeur l'église Saint-Roch
  • les pâtisseries miniatures garnies de pipettes de la pâtisserie Loukoum Cupcake
  • les souliers originaux de La Godasse
  • la succursale basse-villoise de la librairie Pantoute et tous ces commerces qu'il me reste encore à découvrir...
Des verrines sucrées

Un autre secteur en ébullition à Québec? Celui entourant le tout nouvel édifice Jules-Dallaire, de Sainte-Foy, à l'intérieur duquel s'est posé le resto plaisir Paris Grill après son départ de la rue Hochelaga. Bistrot français intéressant, il m'a surtout séduit par ses desserts en verrine. Portion raisonnable, mais toute aussi gourmande des savantes "cochoncetées" souvent obèses. À surveiller en janvier 2011: le spécial tartes flambées pour les budgets des fêtes écorchés.

Seul détail agaçant avec le personnel des restos plaisir: leur attitude de vendeur à la commission. Au Cochon Dingue, comme chez Bryndt, au Lapin Sauté ou du côté du Paris Grill, leur insistance à nous offrir entrée, soupe, digestif, bien qu'enrobée d'humour, est parfois franchement "fatiquante".

Et pour 2011?

De nouvelles adresses à découvrir sur la rue Saint-Jean côté Faubourg:

  • La Brûlerie Saint-Jean, petite soeur de l'ainée de Saint-Roch
  • Le Comptoir, qui marque le retour du smoke meat sur la rue bohême
  • Les sushis du Yuzu qui se pointent en face de l'Intermarché
Je vous souhaite une année 2011 sous le signe du péché... de gourmandise!!

La voix des disparus

Je possède un livre de recettes un peu particulier. Ce livre, jamais publié, est le résultat d'un patient travail de recherche, de saisie et de coordination accompli par mon amie d'enfance MB.

À la suite du décès de sa mère, une cuisinière hors pair et dévouée, MB y a réuni les recettes de cette dernière, les siennes et celles de 2 de ses tantes. Patiemment, elle en a « numérisées » un grand nombre, puis les a imprimées, classées et indexées.

Je me considère privilégié d'avoir reçu une copie de ce livre qui vaut à mes yeux bien plus qu'un recueil de Ricardo ou Di Stasio. Il constitue en quelque sorte une lente antidote à un deuil éprouvant.

Se souvenir d'une voix

Ce samedi 18 décembre, c'est un peu ému que j'ai parcouru ce recueil gourmand au son du dernier disque d'Arcade Fire. Je me souvenais de Françoise, la mère de MB... tout en songeant au premier Noël sans Louis, le père de N. Un Noël finalement rempli de son souvenir, à la fois nostalgique et sous le signe de la solidarité et de la solidité des liens d'une famille que je me prends souvent à admirer.

À la demande de MB, j'ai eu le privilège de rédiger et de lire un hommage à Françoise lors de ses funérailles. Quand j'ai amorcé l'écriture du texte, un premier souvenir s'est imposé de lui-même: sa voix, forte, enthousiaste, qui habitait toute la pièce où elle se trouvait, cette voix dont ont hérité M et F que je côtoie davantage, cette voix aimante et chaleureuse qui portait loin toute l'affectation qu'elle éprouvait pour son conjoint et ses 3 enfants.

J'entends souvent Louis depuis son décès. Cette semaine, je me rappelais ce matin de 25 décembre 2005, dans ma cuisine de la rue Cartier. SB, les enfants et lui avaient dormi chez nous après un mémorable réveillon et tandis que je faisais aller lavette et essuie-vaisselle, il m'accompagnait du refrain de C'est Noël de sa voix juste et puissante.

Car Louis savait chanter. Rarement interprétait-il une chanson du début à la fin, parsemant plutôt les conversations de « Couroucou Paloma » ou de « Rire aux larmes », mais j'ai rapidement compris d'où N tenait ses talents de chanteur et de musicien. Louis avait de l'oreille et du rythme et poussait régulièrement la note au son des 1600 morceaux de sa turlutte, longue partition de sa cavale en Alaska l'été dernier.

« Bonjour, jeune homme! »

J'entends Louis presque chaque fois que nous entrons dans sa résidence de Cap-Rouge.

Je me souviens de ces soupers du dimanche soir alors qu'il venait le premier à notre rencontre. « Suzie, c'est Ti-Nico! », lançait-il à la ronde! Et puis j'entends 
  • ce « Bonjour, jeune homme! », qu'il m'adressait solenellement
  • ses «Suzie, il mange tous nos biscuits!» un peu paniqué quand son Ti-Nico se jetait dans les boîtes de craquelins en attendant le premier service
  • ses « Et puis, comment va l'Assemblée nationale? » ou le Conseil du trésor ou la CSST, selon nos employeurs du moment
  • ses méchantes expressions chaque fois qu'était prononcé le nom d'un certain député de notre noble assemblée...
Et j'entends aussi ses éclats de voix lorsque nous abordions des sujets de conversation plus controversés comme les droits de chasse des autochtones, le développement durable ou la gestion des forêts au Québec.

Je l'entends autant que je le vois. J'entends cette voix assurée comme j'entends encore celle de Françoise caresser son Denis de petits mots d'amour.

Et je me dis, après avoir vécu la mort de si près, dans ses coulisses qu'elle a si tristes, que j'aurais pu être davantage présent pour MB. Lui cuisiner ces plats savoureux que nous ont généreusement concoctés les amis des parents de N dans les jours suivant le départ de Louis. Ou juste écouter, car on a tant besoin de parler pour évoquer le souvenir des disparus, pour qu'il vive encore longtemps... 

Je pense qu'en 2002, la mort avait encore quelque chose d'irréel pour moi, que j'en ressentais mal tout le poids. Aujourd'hui, je perçois davantage le vide irréel qu'elle provoque.

Combattre silence et oubli

Je me souviens de cette mère endeuillée de Rimouski, membre d'un groupe de parents ayant vécu la mort d'un enfant, qui m'avait confié lors d'une entrevue au Progrès Écho que le silence des proches à la suite d'un tel drame pouvait causer davantage de blessures que de soulagement. Et je me souviens aussi de la scène tellement forte de l'avant-dernier épisode de la série télévisée américaine Six Feets Under, ce toast à l'un des personnages disparus tellement émouvant.

Les décès qui nous parlent encore ne feront jamais tinter de joyeuses mélodies. Mais ils sont l'occasion parfois inespérée de réconciliations et souvent de rencontres humaines dans ce qu'elles ont de plus loyales, amicales et complices.

Profitez bien de ce temps des fêtes pour exprimer à vos proches tout l'amour qu'ils vous inspirent, en mots comme en gestes. On ne contrôle hélas! pas ni le moment, ni le lieu de leur ultime départ...

lundi 6 décembre 2010

La consommation du thé

Des plaisirs de la vie qui se laissent déguster sur les rues Saint-Jean la bohême et Saint-Joseph l'urbaine ces temps-ci, le thé est sans doute le plus tendance! La maison de thé Camellia Sinensis, sise notamment sur la Jospeh, anime ce goût du thé qui côtoie chez de plus en plus celui du café. 

Initié au thé autre que Salada par mon beau-frère, ma belle-mère et des amis, N. et moi avions envie de nous payer une théière pour nous y mettre aussi! Petite séance de repérage sur Saint-Jean, pour constater que c'est Camellia qui offre au centre-ville l'éventail le plus complet de théières. Dans un magasin bondé, N. et moi en repérons une pas trop chère et attrapons un vendeur pour qu'il nous l'emballe.

Trop simple.

Le monde du thé est à l'image de celui du vêtement, de la quincaillerie, du vin, de l'huile d'olive... Tellement, tellement de choix, pour tellement, tellement de goûts et tellement, tellement à se procurer pour tellement, tellement apprécier... Les impératifs de la consommation -vous ne pourrez pas l'apprécié à sa juste valeur si vous ne possédez pas ceci ou cela...- ont aussi rattrapé le monde du thé.

Une théière pas chère? C'est bien, mais celle que nous avons choisie convient uniquement aux thés noirs, qui y laisseront au fil des infusions de charmants dépôts. Ceux-ci nuiront aux infusions de thé vert, ou blanc, ou autres. On nous dirige donc vers la théière de fonte, chinoise ou japonaise, pour un maximum de qualité... et à prix plus élevé, évidemment.

 Et puis il y a les gobelets, qu'on ne vend pas avec la théière chez Camellia pour offrir à chacun la possibilité de créer son propre kit exclusif, et ainsi de positionner clairement sa personnalité lors de ses cérémonies du thé! Et puis il y a encore le trivet, sur lequel poser la théière pour éviter les dégoulis de boisson chaude... et l'infuseur, parce qu'on ne fout pas du thé comme ça dans une théière japonaise... et la bouilloire... OK, ça suffit, notre bouilloire de plastique va faire la job!

Toujours est-il que notre initiation au thé s'est révélée plus complexe que prévu... mais le chaud breuvage demeure tout de même bien réconfortant une fois l'équipement entre nos mains!

Envie d'une expérience plus simple? À La maison des 100 thés, sur chemin Sainte-Foy, on se prend beaucoup moins la tête: on vend ensemble théière,  plaque pour la déposer et gobelets pour le déguster. N'empêche qu'il y a un je ne sais quoi chez Camellia, là où un jeune moustachu arborant un chandail des Oilers flirte avec une charmante jeune femme autour d'une tasse de thé. Ce que cette boisson millénaire possède comme propriétés, quand même...

Oh oui: nous avons organisé notre première "cérémonie du thé" hier -une bien grande expression pour dire que nous avons reçu des amis autour d'un thé et de biscottis!-, sans kimono, ni scones, ni costumes de geisha. Malheur à nous!

dimanche 5 décembre 2010

La Dolce Farniente

Intense piqûre du voyage hier soir en visionnant le très beau film Eat Pray Love (Mange prie aime), plus particulièrement son volet Mange! Parfois un peu mielleux, multipliant à certains moments les conseils de vie à la Paulo Coehlo -L'Alchimiste-, EPL est à mon avis bien filmé, exploite à fond une trame musicale bigarrée -de Eddie Vedder à la Flûte enchantée en passant par Bebel Gilberto et Neil Young- et surtout, m'a fait sentir profondément vivant!

Journaliste au tournant de sa vie, qu'elle a, nous semble-t-il, vécu davantage par procuration qu'en toute entièreté, occupée à plaire à un et à l'autre et fuyant dans l'esbrouffe du quotidien sa quête d'elle-même, Liz laisse tout derrière elle pour renouer avec corps et coeur à Rome, en Inde et à Bali. Son périple s'ouvre, comme le titre du film l'indique, sur un volet Mange, alors que le personnage de Julia Roberts s'installe dans la capitale italienne pour s'empiffrer de pâtes, de pizzas, de gelatos et autres douceurs avec des amis qui lui veulent du bien.

Des images magnifiques et authentiques -j'ai bel et bien vu dans la Ville Éternelle ce qu'on nous montre à l'écran- de la terrasse du Château Sainte-Ange, face au Vatican, d'un lever de soleil au-dessus de la Basilique Saint-Pierre-de-Rome, de la splendeur du Colisée, du café San-Eutstachio où paraît-il, on sert le meilleur café de Rome et que nous avons aussi savouré, d'un match de foot suivi en pleine rue à Naples: l'Italie nous interpelle par sa sensualité et son épicurisme! Des scènes de bouffe et de vin en plein air et une reconstitution romaine de la Thanksgiving: la Dolce Farniente, quoi, qui rebrancherait n'importe qui sur son moi -et son foie- profond!

En Inde, le volet "Prie" complexifie l'histoire de Liz, dont on peine à saisir tous les enjeux de la quête, noyés qu'ils sont dans une pénible recherche de Dieu à travers la méditation et les conseils un peu trop écrits d'un condisciple texan que le culte d'une gourou a placé sur sa route. L'Inde chaotique se laisse quand même contempler dans ses marchés d'épices et ses mariages aux saris vifs et colorés, dans ses temples aux offrandes abondantes ou sa pauvreté tellement déstabilisante.

À Bali, place à l'amour avec -pas malchanceuse du tout, la Julia- un Javier Bardem incarnant un Brésilien hypersensible et blessé lui aussi par la vie. On a droit à toutes les grandes vérités sur l'amour, à la peur qu'il faut confronter pour mieux s'engager, mais sous le soleil et la flore de Bali, on se dit qu'on peut bien s'enfiler un cliché ou deux!

Mange, prie, aime, une saine thérapie en cet hiver naissant, à ne pas visionner... le ventre vide!

dimanche 31 octobre 2010

Le temps des enfants

De la visite rare la maison, ce vendredi, pour la nuit et une partie de la journée de samedi: la jolie Daphné traverse le pont de Québec et se pointe le bout du nez chez ses tontons du centre-ville! 

Légers chignements une fois la porte passée, qu'on transforme rapidement en regard fasciné et en sourire timide grâce au djembé de République dominicaine de N: merci aux BBEC pour ce trésor qui fait des malheurs auprès des enfants! Daphné de taper sans nuance à quelques reprises sur le bongo magique: plus de larmes dans ses jolis yeux aux longs cils noirs! Quelques rubans colorés et frisottés d'Au coin du monde achèvent de la conquérir : jamais un 5$ n'aura été si bien investi!

"Tête, épaules, genoux, orteils, genoux, orteils"!

Les parents quittent pour se remplir la panse Chez Victor sans que leur grande fille n'éclate en sanglots, toute à sa découverte des guitares acoustique et électrique, du piano et des multiples possibilités -colliers, bracelets, serpents, pluie de couleurs- qu'offrent les rubans rose, mauve, orange et jaune! La cocotte, après quelques "Est-ce qu'on se met en pyjama, Daphné?" cède subitement, passe en mode contemplatif devant son Baby Nstein tandis que tonton récite machinalement "Tête, épaule, genoux, orteils, genoux, orteils".


Puis voici venue l'heure de gravir les escaliers pour entrer dans le temple du sommeil, la chambre des tontons en l’occurrence, garnie pour l'occasion d'un matelas de sol fleuri couvert de doudous et de livres d'histoire! Tonton, plus que la filleule, ne se lasse pas des jolis livres aux enfants-de-plein-de-races-en-pâte-à-modeler-avec-leurs-instruments-de-musique et Daphné s'endort sitôt le bouquin refermé au son des classiques musicaux de son dodu hippocampe. Un petit cri dans la nuit, un "Tonton est là, Daphné", et la voilà de nouveau aspirée dans les bras caressants de la mystérieuse Morphée.

Elle dort encore??


6h... 6h30...6h45...7h!


Daphné dort encore?? Rendus quasi-anxieux par la liste sans fin de conseils du papa anxieux -pas de thon, pas de beurre d'arachides, appelez-nous si sa température dépasse 37,5-, nous nous demandons si tout va bien dans le petit corps de Daphounette! N. la contemple depuis le lit, je m'installe à ses côtés, nous voilà presque en train de la réveiller pour nous rassurer!


La journée démarre quand même plus tôt qu'à l'habitude en ce samedi matin ensoleillé. Dès le lever de la reine, nous ne nous appartenons plus! Daphné n'en a que faire, que tonton veuille dévorer un pamplemousse après ses 2 bagels, elle a terminé sa toast au creton! Il faut jouer d'astuce pour qu'un des 2 tontons se libèrent pour aller se doucher et s'habiller tandis que l'autre fredonne les "Tête, épaule, genoux, orteils" devant la télé ou construit des châteaux dont les fondations ne franchiront pas le Moyen-Âge, balayées par la tornade Daphné! 


On va dehors!


On n'a qu'à lancer "On va dehors, Daphné?" pour que la machine s'emballe! 


Une fois la cocotte habillée, pas question de commencer à inspecter la maison pour vérifier si on oublie rien! Le gobelet de jus demeurera dans le frigo. Il y a cependant un dieu pour les oncles distraits car tonton a eu le temps de glisser les biscuits au thé dans le sac de couches! Comment font donc tous ces parents monoparentaux, nous demandons-nous sur la route du Parc Jeanne-D'Arc alors qu'à 2, il est parfois difficile de rien échapper?


Sur les Plaines, les tontons ont beau s'extasier: des épouvantails, des citrouilles, des sorcières!, la cocotte demeure blasée. Pas comme avec ses rubans la veille... Seul un chat noir devant l'Hôtel de ville semble l'émouvoir un peu. En fait, elle a bien plus de plaisir à gambader chez Simons et à crier "Ni-co-la" dans les allées du grand magasin! 


Comme un métronome


A-t-elle faim? Pas pour du pâté chinois! "Non", nous répond-t-elle franchement. Une bouchée pour maman, papa, mamie, papie, c'est tout ce que nous lui ferons avaler, que voulez-vous, c'est la réalité des petites familles, nous n'avons plus assez de bouchées pour faire manger les enfants!


12h30: Daphné, réglée comme un métronome, s'écroule sur son matelas pour un "beau dodo". Elle s'endort toute seule, sans se plaindre! Mais au réveil, vers 14h45, c'est plus difficile... La cocotte semble s'ennuyer de ses parents. Tonton la prend, essaie de la faire jouer, mais rien n'y fait. On reste donc immobile sur le fauteuil en contemplant le temps qui passe sur le magnétoscope... 


À l'arrivée des parents, Daphounette retrouve un peu de vie et ne laisse plus ni papa, ni maman lui échapper! Elle aime bien ses tontons... mais avec ses parents de préférence!


Du temps improductif


Que retenir de cette journée?


Que le temps s'écoule vraiment lentement avec un enfant. Le temps est long, pas au sens péjoratif du terme, mais parce qu'il nous voit nous occuper de choses futiles! Visionner un BabyNstein peut être assez aliénant pour un adulte. Tirer des bouts de ruban, jouer 2 minutes du piano, se lever parce que la petite en a assez, revenir 2 minutes ériger une tour, courir la suce, changer la couche... Des tâches lentes, routinières, qui nous donnent l'impression de ne rien accomplir...


Que sont les adultes devenus? Des chercheurs d'accomplissement, façonnés par le productif et la performance. C'est viscéral, il nous faut cocher les tâches accomplies sur une liste, sentir qu'on a été utile. Flâner? On se sent bien trop coupable!


Et voilà qu'une adorable cocotte surgit fans notre vie pour nous rappeler que les journées peuvent aussi être longues et que ça ne fait pas plus de mal! Faire sourire un enfant en faisant une grimace ou chanter J'ai un beau château... le ferais-je chaque jour? Hélas! non, mais il est parfois salvateur d'ajuster sa montre au temps des enfants...

samedi 16 octobre 2010

L'appel du clavier: revue culturelle des dernières semaines

Un journal de voyage inachevé -oui, oui, il faut que je me replonge dans ce carnet Moleskine qui me supplie de le compléter sur ma table de salon-, un blogue négligé... Je fais un bien piètre écrivain en ces semaines de rotation saisonnière ouù la pluie et le froid incitent pourtant au récit. Pourtant...

  • mon premier 5@7 littéraire Québec se livre  jeudi soir dernier, un rassemblement de passionnés du livre de la capitale et d'ailleurs se réunissant sur une base régulière sous l'impulsion des Éditions du Septentrion
  • les échos de la première édition du festival littéraire Québec en toutes lettres qui débute cette fin de semaine
  • l'introduction de la session parlementaire 1957-1958 que j'ai reconstituée à mon arrivée à l'Assemblée nationale en 2000 et qui sera publiée dans quelques mois chez Septentrion à l'intérieur d'un recueil d'histoire parlementaire du Québec (je dois d'ailleurs trouver un titre à cette introduction...)

sonnent comme autant d'appels à la reprise du clavier!

Mon sujet? Une revue culturelle des dernières semaines.

John Lennon sur les hormones

Lancé en décembre 2009 au Royaume-Uni, Nowhere Boy (Il était une fois John, en français) de Sam Taylor-Wood, a enfin fait son apparition hier (15 octobre) sur nos écrans. La bande-annonce enlevante que je visionne depuis des semaines ne trahit pas ses promesses!

Nowhere Boy se révèle en fait une comédie dramatique classique sur un sujet qui l'est moins: la genèse artistique de John Lennon. Le Beatle au destin tragique est incarné par un Aaron Johnston -dont j'ai fait la connaissance en avril  dernier sous les traits du superhéros raté Kick Ass-, survolté, charismatique, complètement habité par son personnage.

Élevé par une tante -en apparence- froide et rigoriste, le jeune John découvre l'identité de sa véritable mère au cours d'une période plutôt bouleversante de son adolescence et s'initie à la musique au contact de cette femme sensuelle, épicurienne et pleine de vie. Séduit par la musique d'Elvis Presley qu'elle lui fait connaître, le jeune John décide de fonder un groupe de rock et poursuit son apprentissage de la guitare grâce à un Paul McCartney un peu féminin. Le véritable Paul n'aurait pas aimé le film, paraît-il: je comprends pourquoi!

Artistiquement stimulé -c'est mon interprétation- par les émotions découlant des réponses qu'il obtient à mesure qu'il reconstitue le casse-tête de ses origines, John se lance dans la musique à corps perdu tout en tentant de composer avec l'abandon dont il a été victime. Aaron Johnston excelle tout simplement à jouer l'artiste au leadership incontestable qui porte son groupe à bout de bras tout en jalousant le talent de ses comparses John et Paul et l'adolescent déchiré par la vérité qu'on lui balance. Il se déhanche et se donne à fin sur scène, intégrant sans retenue l'influence d'Elvis, notamment dans la danse, sur l'adolescent joueur de banjo, puis de guitare.

Devant un John viril à souhait, les autres futures Beatles paraissent plutôt freluquets à cause de leur apparence physique, Paul, Georges et Pete Best s'effacent complètement devant leur leader. Est-ce voulu? Ce casting a quand même de quoi surprendre.

Vous l'aurez deviné, Nowhere Boy est un film de musique -on est transporté par les airs de rock fin années 50 qui ponctue toute la trame du film- et d'acteurs. Kristin Scott Thomas, que j'adore, joue encore juste le personnage de la tante Mimi, qu'elle aurait toutefois pu développer davantage si le scénariste lui en avait laissé la chance. Des scènes émouvantes la mettant en scène perdent de leur intensité en quelques secondes en raison de répliques un peu clichés ou d'une fin abrupte. Quant à Anne-Marie Duff (Julia, la mère de John), elle séduit par son abandon total à la vie et sa sensibilité à fleur de peau. On se questionne sur la teneur de l'amour qu'elle porte pour son fils: filial ou... érotique?

À voir, malgré une réalisation un peu conventionnelle qui n'enlève rien au rythme soutenu du film et à la grande qualité de ses comédiens.

Incendies le brûlot

Je pense que tous ceux qui ont vu Incendies, de Denis Villeneuve, n'en sortent pas indemne. Sélectionné par le Canada pour représenter notre pays dans la course à l'Oscar du meilleur film étranger, le 4e film -et 3e représentant aux Oscars de l'ex-gagnant de la Course Europe-Asie de Radio-Canada- a profondément ému les Québécois. À preuve, les 1,4 millions amassés au box-office québécois à ce jour.

On a tout dit sur le film:

  • qualité de la réalisation et du scénario
    • Villeneuve le scénariste possède autant de talent que Villeneuve le "metteur en images"
  • qualité -extrême- du jeu, notamment de Lubna Azabal, sortie d'on ne sait où, inoubliable dans son personnage de la "femme qui chante"
  • qualité de la photographie du fidèle complice de Villeneuve, André Turpin
  • beauté de la musique. 
J'aimerais cependant souligner la qualité du travail d'adaptation de la pièce de Wadji Mouawad, dont est tirée le film, adaptation signée Villeneuve.

Je ne vous ai malheureusement pas parlé dans ce blogue des 3 chefs-d'oeuvre théâtraux de Mouawad vus le 12 juin dernier au Grand théâtre de Québec. Réunies sous le dénominateur commun du Sang des promesses, la trilogie de Mouawad a tenue en haleine une foule particulièrement jeune durant 12 heures.

  • La poésie de Littoral
    • j'ai failli pleurer lors de la scène finale alors que le corps d'un père souhaitant se faire enterrer dans son pays natal, qu'on devine être le Liban de Mouawad, est lancé à la mer par son fils, soutenu par le poids des bottins téléphoniques comprenant tous les noms des victimes de la guerre: ce père qui était gardien de troupeau devient gardien de la mémoire, celle des femmes et des hommes assassinés par la guerre: j'en éprouve encore des frissons juste à l'écrire...
  • L'histoire passionnante de Forêts, qui revisite toutes les tragédies et guerres de l'Occident depuis la 2e moitié du 19e siècle -guerre franco-prussienne de 1870, guerres mondiales, Polytechnique-, à travers une lignée de femmes frappées par leurs propres tragédies
  • Et la claque au visage qu'est Incendies, un appel à la fin de la violence par des hommes ou des femmes qui sauront résister aux sirènes de la vengeance.
On s'en doute, cette pièce, inspirée de la guerre civile libanaise et des massacres de réfugiés palestiniens au début des années 80, conserve son caractère actuel dans un contexte où nul ne semble prêt à faire de compromis pour mettre un terme au conflit israëlo-palestinien. Celui-ci empoisonne la vie de milliers de Palestiniens confinés dans un minuscule bout de terre tout en suscitant anxiété et crainte chez des Israéliens mieux nantis, mais victimes de gestes de désespérance.

Villeneuve, donc, a conservé la "substantifique moelle" d'Incendies, l'appel à la non-violence et au souvenir lancé par Mouawad, la "bonne histoire" aussi de la pièce -car Mouawad est un conteur remarquable, parfois un peu trop littéraire et verbeux, mais un génie de l'histoire. Il l'épure de certains éléments ou de situations qui auraient mal passé au cinéma. 

Le personne du notaire Lebel, qui détend la salle par ses lapsus incohérents dans la pièce, est devenu beaucoup plus sérieux au cinéma sous les traits de Rémi Girard. Avoir conservé les traits d'humour du personnage créé par Mouawad aurait créé des ruptures de ton plus évidentes au cinéma : assiste-t-on à un drame ou à une comédie noire? Au théâtre, ces détentes étaient justifiées.

Il faut voir Incendies, donc, mais aussi lire la pièce de Mouawad. C'est pour assister à sa prochaine création que je me suis abonné au Théâtre du Trident cette année, malgré mes réserves de l'année 2008-2009.

Un Dom Juan sans charisme

Ces réserves ont d'ailleurs été confirmées lors de la première pièce de la saison de la compagnie québécoise, qui célèbre ses 40 ans cette année. Dom Juan, de Molière, m'a beaucoup ennuyé. La faute de la pièce, beaucoup moins "punchée" que le Malade imaginaire, par exemple, à son metteur en scène, dont on ne comprend pas la démarche -à quoi servent ces personnages de la vie de Dom Juan qu'on voit constamment défiler sur scène comme des fantômes en transportant des chaises??- et au comédien pourtant excellent habituellement Hugues Frenette, qui doit livrer des pages et des pages de texte et qui offre un rendu un peu machinal.

Je l'avoue, je me suis endormi. 

J'espère garder les yeux ouverts lors de La face cachée de la lune, de Robert Lepage avec Yves Jacques, que je voulais revoir une 2e fois, d'une création mystère de Wadji Mouawad, et de l'Opéra de Quat'Sous mis en scène par Martin Genest, l'extraordinaire créateur et spécialiste des marionnettes.


lundi 13 septembre 2010

Le flânage comme art de vivre

Notre-Dame-de-Paris

Alors que nous rentrons vers l'automne, à bord de l'avion qui nous conduit à Dorval, je me souviens avec nostalgie du soleil parisien, des températures douces, mais jamais éprouvantes de la capitale française, et de cette pause prise dans notre voyage fébrile pour élever le flânage au rang d'art de vivre!

Des classiques aux découvertes

Nous avions convenu, pour notre étape parisienne, de ne visiter que des sites, monuments ou lieux qui nous étaient inconnus. Promesse pas tout à fait tenue, puisque nous n'avons pu nous empêcher de renouer avec certains classiques:

  • la visite de la cathédrale Notre-Dame-de-Paris, ses lumineux vitraux, ses rosaces et ses gargouilles qu'on entend presque grogner lorsqu'on longe le lieu de culte
  • la ballade incontournable la nuit venue sur les Champs-Élysées depuis l'Arc de Triomphe jusqu'à la Place de la Concorde, pour savourer le sens de la perspective des Français et leur talent dans l'aménagement des grands boulevards. J'avais oublié que la place de la Concorde était si vaste...
  • la tour Eiffel, que nous avons pour la première fois abordée le soir, pour réaliser que Paris, outre ses principaux monuments, demeure plutôt sombre quand la nuit tombe, ses grattes-ciels étant cantonnés au secteur de La Défense et les éclairages des ponts enjambant la Seine se révélant plutôt tamisés.

Vue de Paris, Centre Georges-Pompidou
À ces classiques nous avons ajouté une visite -ou à peine plus!- par jour:
  • visite guidée à pied du quartier Le Marais où nous avons -choix plus que judicieux- posé nos pénates dans un studio minuscule, avec notre bien nommé guide M. Souliers, savant dosage de fausse modestie, d'humour pince sans rire et d'élitisme à la sauce « mais bien sûr, vous savez ça... » et « tout le monde pense que le Louvre a été un palais royal, mais ce n'est PAS un palais royal! Bon, bien sûr, Louis XIII y a vécu et Louis IV un peu, mais... »
  • Centre d'art Georges-Pompidou le samedi, pour nous laisser décontenancer ou séduire par les peintures et sculpteurs  modernes français et d'ailleurs
  • Promenade plantée et Canal Saint-Martin le dimanche, sous les arbres et au bord de l'eau
  • Et mémorable visite de l'Assemblée nationale française, fermée au public, mais dont mes collègues québécois ont réussi à m'ouvrir les portes le lundi.

Mais, je dois l'avouer, mes séances de flânage m'ont apporté presqu'autant de satisfaction que ces nobles activités.

Regarder le monde passer

Canal Saint-Martin
Le vendredi, par exemple, nous sortons petit déjeuner à 11h : malheur à nous, puisqu'il est trop tard pour le premier repas du jour, mais trop tôt pour le déjeuner du midi. Qu'à cela ne tienne, nous nous échouons sur la terrasse du café Le Progrès, dont les chaises, comme la plupart des terrasses parisiennes, sont orientées vers la rue animée, et enfilons un espresso, puis 2! Et quand midi sonne, nous sommes les premiers à nous jeter sur le menu, débutant par une bière, puis par notre repas.

Sous le soleil, les bourgeois bohèmes du Marais défilent élégamment, vêtus de leur complet-cravate ou de leurs atours de travail ou fashionistas l'air en vacances comme nous, mais à la tenue savamment étudiée, de la ganse de la sandale à la boucle de la ceinture! À nos côtés, comme d'autres de leurs compatriotes sur toutes les terrasses ou dans tous les restaurants où nous nous poserons, 2 Françaises semblent tenir la conversion de leur vie, s'écoutant à peine mettre leur tripes sur la table et décomposer avec intensité la vie décevante, difficile, faite de contraintes qu'elles semblent mener.

Quel bonheur, nous comprenons ici ce que nos voisins racontent! Nous qui sommes d'une humeur légère pouvons capter leurs confidences venant de leur fond profond, tandis que bourdonnent les moteurs des scooters et que des Renaud Clio tentent de se stationner, que le garçon nous lance un « C'est parti » et que personne, au Progrès comme ailleurs, ne s'attarde à notre accent « canadien ».

C'est la première fois que je vais à Paris et qu'on m'en parle si peu, voir « si pas », d'ailleurs, exception faite d'un designer de Hong Kong sur la coke ou je ne sais quoi rencontré dans un bar. Il nous a parlé en anglais parce qu'incapable de comprendre notre français « so harsh! » et riant dudit français. On l'a rapidement « flushé ».

La comédie humaine

Place Igor-Stravinski
Séance de flânage toute aussi agréable le samedi après-midi au terme de notre déambulation devant les Picasso, Dali, Fernand Léger, Mirò, Francis Bacon et autres œuvres spectaculaires des peintres et sculpteurs surréalistes, cubistes, fauvistes découverts ou redécouverts entre les murs de l'inédit Centre d'art Georges-Pompidou. J'ai adoré l'édifice vitré offrant de belles vues sur Paris, sa structure exposant sans gêne tuyaux de ventilation, d'eau et autres de différentes couleurs sur sa façade et sa fontaine animant de façon ludique la place Igor-Stravinsky et décorée de figures colorées d'animaux et de machines industrielles sans queue ni tête. Comme le disait avec humour mon ami JSP, « j'ai vu des affaires là... ». 

Donc, flânage rue Saint-Martin, à proximité du Centre, toujours dans le Marais, devant un pain au chocolat et aux amandes et un capuccino. Alors que se termine une manifestation de protestation contre la politique du gouvernement Sarkozy à l'égard des Roms qu'il retourne sans flafla en Roumanie, je vois passer devant moi la faune la plus variée que j'aie jamais eu la chance d'observer! 

Français de souche et d'origine étrangère, Africains, Maghrébins, Asiatiques, Indo-Pakistanais, jeunes punks ou hipsters, retraités bien mis ou hippies, touristes aux sacs bananes-bas blancs-espadrilles impeccables-leggins, bobos chics, rappeurs, rockeurs, granos... Toute la comédie humaine semble s'être donnée rendez-vous sur cette rue de boutiques de souvenirs kitchs, d'affiches de films des années 1920 à aujourd'hui et de gadgets tantôt ingénieux -porte-monnaie de plastique permettant de se baigner sans souci au Village des sports avec ses huards-, tantôt franchement amusants: toutous en forme de barbapapas, par exemple!

Ce jour-là. nous n'en finissons plus de flâner, passant de boutique en boutique, nous étendant sur le square pas trop loin bordant la Tour Saint-Jacques, contemplant la vie, tout simplement, car le Marais regorge d'animation et beaucoup de jeunes familles semblent y loger. Le soir venu, les cafés, les restos et les bars de la rue Saint-Antoine et des rues telles celles de la Vieille Temple s'emplissent systématiquement!

De la Place des Vosges au canal Saint-Martin

Place des Vosges
Flânage encore le dimanche, alors que nous renonçons à une visite de la Conciergerie et de la Sainte-Chapelle -et oui, GB et NT, nous avons fait ça-, pour nous étendre sur le gazon tout frais de la Place des Vosges à 2 pas de l'une de ses fontaines. Cette place royale aménagée pour Henri IV, mais inaugurée par Louis XIII, première place royale de Paris et cœur de la vie du Marais est tout simplement délicieuse! J'y écris mon journal et 2 ou 3 cartes postales.

Et flânage encore le long du canal Saint-Martin, belle découverte au terme de la Promenade plantée qui relie La Bastille à sa première écluse, dans lequel nous ne lançons pas de petits cailloux comme Amélie Poulain, mais que nous remontons comme bien des Parisiens assis sur ses bords, qui participent à un rallye pour l'apprivoiser ou qui se rendent au cinéma situé au bord du Bassin de la Villette dans lequel se termine le Canal. Nous flânons encore dans la librairie et boutique de DVD adjacente au cinéma et encore et encore sur la terrasse surplombant le bassin sur laquelle nous nous offrons une bonne pinte de bière!

Coup de coeur pour Le Marais

J'ai vraiment eu un coup de cœur pour le Marais, notre quartier d'adoption, que l'étroitesse de notre studio nous a incités davantage à visiter, quoiqu'il faisait un temps magnifique. Vivifiant comme quartier, avec sa faune jeune et dynamique, ses bonnes adresses -même si celles recommandées par la plus parisienne des Québécoises, mon amie SI, étaient fermées pour les vacances...-, ses spécialités juives et sa vie débordante. J'ai rarement éprouvé autant de plaisir à « regarder le monde » tout en me gavant de capuccino, définitivement la boisson du voyage dans toutes ses déclinaisons!

Même en Angleterre? Oui, même au royaume du thé, my dear!

Anecdote en terminant: j'ai commis mon seul geste violent du voyage à Paris. Après m'être étalé par terre sur le plancher de notre studio, glissant sur le plancher mouillé, j'ai fait tomber dans un excès de rage le seul rideau isolant la salle du bain de la pièce principale. Ben quoi! J'aurais pu me casser quelque chose!!

samedi 11 septembre 2010

Londres, difficile à apprivoiser

Tower Bridge
Londres ne se laisse pas apprivoiser aussi facilement que Rome, Berlin et Paris.

Prise dans son individualité, dans chacun des sites que nous visitons, dans chacun des restaurants dans lesquels nous nous sustentons, dans notre hôtel pour lequel je ne taris pas d'éloges, Londres a du charme. Mais dans son ensemble...

Qui suis-je pour écrire ceci après 4 jours d'errance londonienne, mais presque chaque immeuble, chaque site ou chaque rue de la capitale anglaise me paraît construit uniquement pour lui-même, pour le mettre en valeur au détriment de ses voisins. Autant de plantes égoïstes se disputant la rare lumière du soleil sous les cimes d'une forêt trop dense...

Bordel urbain

Prenons la City, le cœur financier et historique de Londres. Vue du sol comme du dôme de la cathédrale St-Paul, somptueuse église dans laquelle Charles et Diana ont convolé, le secteur qui a vu naître la ville a l'air d'un enchevêtrement un peu bordélique de grattes-ciels et de lieux de culte dans lequel le château de la Tour de Londres survit tant bien que mal.

On cherche en vain une avenue Unter den Linden ou un boulevard des Champs-Élysées qui mettrait un peu d'ordre dans tout ça et replacerait chacun... à sa place. Une lutte pour le soleil d'une série d'égos de verre, de béton, de marbre, de briques: voilà à quoi ressemble la City.

Des quartiers qui se tournent le dos

Mercredi matin, nous décidons de marcher jusqu'à cette fameuse City pour notre visite à la Tour de Londres. Mauvaise idée... Notre quartier (Shoreditch), l'hôte de restaurants fort appétissants, de bars et de clubs supposément "trendy", bref, l'endroit où il faut être vu, nous répète le Lonely Planet, ne possède aucun charme hors des pistes de danse. Derrière les portes, y a de quoi voir. Mais sur la rue... je préfère encore la 1re avenue de Charlesbourg.

Tour de Londres
Alors qu'on approche les "skycrappers" du quartier financier, aucun pont, aucune place, aucun aménagement quelconque ne relie Shoreditch et Spitafields, notre secteur, à la City, qui lui tourne carrément le dos. Et une fois au royaume des gens d'affaires, aucune voie ne nous montre la direction vers la Tour de Londres qui se révèle pourtant être bien plus qu'une tour: c'est un véritable château-fort, lieu des couronnements, de sépulture... et d'exécutions des monarques anglais.

Sanglantes et fascinantes histoires

Un peu désolant, cette absence de vision d'ensemble, mais qui n'enlève en rien au plaisir de nos visites. Nous passons presque 4 heures entre les remparts de la Tour de Londres, visite d'une journée -et encore, c'est presque pas assez- qui nous ouvre un livre d'histoire si peu poussiéreux fait de légendes sanglantes et de récits fascinants: celui des épouses décapitées du cruel roi Henri VIII, par exemple.

Portés par toute la théâtralité des Yeoman Warder, les Hallebardiers de Sa Majestée, ex-hauts gradés de l'armée anglaise chargés aujourd'hui de faire visiter la Tour, ces récit deviennent parfois dégoûtants lorsque notre guide-comédien nous décrit en détails l'exécution ratée d'un héritier au trône d'Angleterre décapité à 5 reprises par un bourreau alcoolique. Les remparts de la Tour, dont la forteresse initiale a été érigée par Guillaume Le Conquérant au 11e siècle, offre en plus une vue majestueuse sur le Tower Bridge, une des emblèmes de la capitale.


Le complexe réseau du Tube

Abbaye de Westminster
Au premier abord, le métro de Londres, le fameux "Tube", ne nous réconcilie pas avec la ville. Ce métro est sans doute le plus compliqué que j'aie emprunté à ce jour! Reniant tout effort de simplicité, ses quais ne sont pas identifiées par la direction -la station finale- de la ligne que nous voulons utiliser, mais par le nom de la ligne. Il faut donc constamment repérer la station vers laquelle on se dirige sur un des nombreux panneaux précédant chaque quai pour déterminer si on doit choisir la Northbound, Southbound, West or Eastbound Plateform. Faut pas être pressé...

La Nothern Line -celle, évidemment, sur laquelle se trouve la station située à proximité de notre hôtel- possède quant à elle 4 branches! Nouvelle difficulté qui s'ajoute aux mystérieuses absences des noms des stations finales. On doit penser à ne pas jeter son billet puisque sans lui, on dort dans le métro... Et, jour de notre arrivée, une station sur 3 est fermée!

Palais de Westminster (Parlement du Royaume-Uni)
Nous rageons sur l'inefficacité de ce Tube surchauffé -que ça doit être pénible le métro à Londres en janvier...- jusqu'à ce que ma mère m'apprenne qu'une grève a paralysé l'Underground londonien le jour de notre arrivée... Il faut bien être à Londres pour ne pas lire les nouvelles! Quoique celles de la BBC News étant murmurées avec un enthousiasme équivalent à celui des documentaires animaliers de Télé-Québec, on décroche rapidement... Heureusement qu'il y a de vieux épisodes de Friends à la télé le matin pour nous rappeler que celle-ci peut être divertissante!

Des visites mémorables

Je n'ai pas encore déniché de rues réellement séduisantes à Londres, vous savez, celles qui enfilent les vitrines accrocheuses, les bars, les cafés, les restaurants, les boutiques originales, qui débouchent sur des places animées, des réalisations architecturales audacieuses... Mais je me suis extasié par contre devant

  • les magnifiques mosaïques et l'incroyable dôme de la cathédrale St-Paul
  • le gigantesque mémorial à la nation que constitue le majestueux abbaye de Westminster: il faut voir son maître-autel, la lumineuse chapelle dédiée à Henri VII, les nombreux monuments et tombeaux, dont celui de la reine Elizabeth I
  • le palais de Westminster, le Parlement du Royaume-Uni construit sur le modèle d'une cathédrale gothique et dont la Chambre des lords contient le trône doré dans lequel sa majestée prononce le discours... du Trône, des vitraux et des décorations d'une richesse...
  • les pélicans se nourrissant sur l'un des rochers du lac du parc St-James, calme et réconfortant avec ses jardins à l'anglaise, ses sentiers dans lesquels s'est penché le soleil, et son voisin, le Green Park, avec ses chaises longues proposant une vue sur des arbres légèrement pourprés à l'arrivée de l'automne
  • les pelouses immenses de Hyde Park et ses allées de fleurs et de bosquets
  • les installations sans queue ni tête de la galerie d'art moderne -gratuite, il faut le dire- de la Tate Gallery. 
La Cathédrale St-Paul vue de la Tate Gallery
Et le soir venu, Londres en jette, quand même: Picadilly Circus -quoique moins vaste et éclaté que Time Square-, Trafalgar Square et sa colonne Nelson, l'abbaye et le palais de Wesminster et la tour de Londres illuminés, c'est splendide, surtout depuis un des ponts enjambant la Tamise -la Thames, en anglais.

La Londres de tous les jours

Que dire encore sur Londres? 
  • Que la foule sur les trottoirs et sur les rues me rappelle parfois Tokyo -il y a VRAIMENT du monde ici...
  • Que les Londoniens ont la gentillesse d'écrire sur les pavés, à l'intention des piétons, Look left ou Look right, quand on regarderait plutôt à droite ou à gauche avant de traverser les rues
  • Que notre hôtel, le Hoxton, m'enchante avec son petit déjeuner frugal -yogourt, jus d'orange, banane- servi chaque matin à notre porte, son café et sa cafetière disponibles dans les chambres, son hall avec fauteuils de cuir et foyer dans lequel on peut commander bières et martinis, son restaurant et sa terrasse centrale et son poste d'équipements informatiques commandité par Apple auquel j'ai pu expérimenter un iPad, wow!!
  • Que c'est un mythe d'affirmer encore qu'on mange mal, ici: les pubs se sont transformés en "gastropub", gastro pour gastronomie, pas pour maladie...
  • Que notre cuisine -nos déjeuners toasts-oeufs-bacon-saucisses-fèves au lard, notre pâté chinois, nos petits pois et nos patates bouillies- est définitivement d'inspiration british
  • Que la ville des Rolling Stones, de Blur et de Amy Winehouse voue un véritable culte à la culture: une publicité sur 2 dans le métro -et croyez-moi, nous l'avons surexploité le métro, parce qu'un peu déçus par le paysage urbain- fait l'annonce d'un spectacle, d'un opéra, d'un film, d'une exposition... ou d'un musical.
You got to pick a pocket or two

Numéro final du musical Oliver!
Je savais Londres capitale des comédies musicales et son public exigeant. Mais force est de constater qu'à proximité du bondé Leicester Square, siège des revendeurs de billets à rabais, on peut s'extasier devant toutes les catégories de musicals! Des musicals de haute réputation Phantom of the Opera, Chicago, Evita et Les Misérables au "nouveau classique" Billy Elliot en passant par Dirty Dancing (!!), Flashdance (!!!) et Legally Blonde -Oh my god...-, l'offre est large.

Inspirés par la publicité élogieuse faite par Laurent Ruqier et ses invités lors de l'émission française On n'est pas couchés, N nous dirige vers Oliver!, l'histoire du célèbre orphelin de Charles Dickens, Oliver Twist, mise en musique au début des années 1960 dans le plus pur style broadwayien. Confortablement installés sur le côté du Theatre Royal -nous avons payé nos billets moitié prix, mais voyons pourtant parfaitement la scène-, nous avons une vue imprenable sur le chef d'orchestre qui dirigera de main de maître ses musiciens campés dans la fosse. Je comprends alors ce qui manquait à Notre-Dame-de-Paris, un orchestre sur place.

Séduits par ce théâtre et ses corbeilles à l'ancienne, nous sommes prêts, quoiqu'un peu sceptiques... Nous serons soufflés dès le numéro d'ouverture par cette trentaine d'enfants vêtus de leur uniforme gris défraîchis chantant "Food, glorious food", exécutant dans une parfaite synchronicité leurs pas de danse au cœur de la misérable cuisine de leur orphelinat, tandis que défilent devant eux les plats réservés aux riches directeurs de l'établissement.

Oliver! raconte la sortie de cet orphelinat du pauvre Twist, vendu à une entreprise de pompes funèbres, puis, en fuite, tombant aux mains d'une bande de voleurs. Une cinquantaine de comédiens, de danseurs, de chanteurs rendent sur scène le Londres victorien de la 2e moitié du 19e siècle et quand je dis "rendent", c'est qu'on s'y croirait complètement!

La production avait de toute évidence les moyens de ses ambitions. Elle a engagé des artistes extrêmement talentueux, dont le chef de la bande des voleurs, Fagin -au départ joué par Rowan "Mr Bean" Atkinson, son assistante Nancy et surtout, surtout, le jeune dauphin initiant Oliver à la tire de rue. L'équipe s'est aussi fait plaisir en se payant des décors, des costumes et des accessoires tout aussi nombreux que réalistes et a pu compter sur un soutien technique sans faille.

Deux numéros mémorables nous plongent dans le Londres populaire, puis le Londres des riches de l'époque dans une enfilade de chorégraphies et de solos. Défilent tour à tour sur scène des clowns, une ballerine, un homme fort, de bruyants marchands et leurs étals, des gendarmes, une laitière, une vendeuse de roses, des enfants de bonnes familles et tout ce beau monde chantent et dansent dans un sans faute qui a soulevé le public... sans toutefois le conduire jusqu'à l'ovation. Les Londoniens sont plus réservés que les Québécois sur le "standing", mais tout aussi enthousiastes et vont même jusqu'à huer le méchant Bill!

Picadilly Circus
Nous sortons du théâtre conquis en chantant joyeusement les "Consider yourself", "Oliver" et "Who will buy". Ces chansons remplaceront-elles les vers d'oreille des Belles-Soeurs dont nous peinons à nous débarrasser? Visiter Rome, Berlin, Paris et Londres en chantant "Y ont les beaux pots, t'sais les beaux pots, en fer chromé", "Des toasts, du café, du bacon, des oeufs", "A l'ose à soir, se présenter" et "C'est B-14 qui m'manque", c'est pas chic!

vendredi 3 septembre 2010

Ich bin Berliner

Porte de Brandebourg, Berlin.

Je suis devenu un Berlinois.

Non pas à la manière dont John F. Kennedy, président américain de passage à Berlin-Ouest, le proclamait du haut du balcon de l'hôtel de ville en 1963: JFK – qui soit dit en passant, s'était plutôt exclamé, « Ich bin ein Berliner - Je suis un beignet! » à cause d'une erreur de syntaxe dans son discours- évoquait alors le symbole de résistance au communisme incarné par l'ouest de l'ancienne capitale allemande. Je suis un Berlinois = je suis un homme libre = j'appartiens au monde libre, à sa démocratie, à son capitalisme, à sa bienheureuse existence faite de toute absence d'oppression.

Et moi, pourquoi suis-je berlinois? 

Parce que j'ai définitivement adopté la capitale allemande. Capitale du pays d'Angela Merkel, de Bertold Brecht, de Beethoven et de Siemens, comme du design et de l'architecture, Berlin est une ville résolument tournée vers l'avenir, le changement, la modernité, la « contemporanéité ». Cette foi en l'avenir semble constituer une essence essentielle à son développement, celui-ci se voulant constamment ancré dans l'audace, l'originalité, l'innovation.

Le bienheureux petit déjeuner

Et je suis aussi un Berlinois parce que les Allemands vouent un véritable culte au petit déjeuner.

Château Bellevue (Palais présidentiel)
Au Baxpax Hostel, où nous avons établi nos quartiers, nous profitons pour 5,50 euros chaque matin d'un consistant déjeuner buffet à volonté, accompagné d'un café américain tout aussi à volonté et -cadeau des dieux- d'un jus d'orange!!

Pain kaiser ou sésame frais, confiture, beurre bien dodu, toasts, yogourt aux pêches ou aux cerises -bon, pas mes saveurs favorites, mais yogourt quand même-, céréales, salade de fruits, viandes froides, fromage, tomates, concombres, salade, la table est bien mise sous le bar du Cosmo Lounge, qui nous a accueilli chaque matin au son de sa musique doucement trip-hop, souvent planante, mais parfois un peu trop techno ou rock à notre goût. Comme au lendemain de notre nuit au Watergate où la même musique techno que celle sur laquelle nous avions dansé nous a tendu les bras à notre arrivée au déjeuner alors qu'un concerto pour piano de Bach aurait très bien fait l'affaire!

Dans les restaurants de Berlin, on sert régulièrement le déjeuner jusqu'à 13h- comme à notre hôtel les samedi et dimanche-, 15h, et même parfois jusqu'à 17h ou même... 24 heures par jour !! Quant au brunch du dimanche, il s'agirait d'une institution qui se prolongerait sur plusieurs heures, offrant aux convives tout le temps nécessaire pour échanger sur la semaine passée ou à venir tout en dégustant un savoureux repas.

J'adore le petit déjeuner... j'adore Berlin!!

Contraste saisissant

Place publique sur Hackescher Markt
On ne saurait imaginer contraste plus saisissant entre Rome et Berlin en cette fin du mois d'août.

Rome, désertée par ses habitants écrasés par la chaleur, vit des touristes qui la parcourent paisiblement sous le poids d'un soleil de plomb, mais bénéficiant d'un magnifique ciel bleu, se traînant sans presse d'un site touristique à l'autre.

Berlin, après avoir connu un mois de juillet exceptionnellement chaud, paraît-il -des journées de 40°C, non merci...-, vit un mois d'août plutôt frais, le mercure dépassant rarement les 19-20°C chaque jour. Un été à oublier en somme, et nous ne nous sommes malheureusement pas prélassés sur la terrasse située sur le toit du Baxpax, y buvant goûlument cocktail sur cocktail au bord de sa piscine! Les nuages, la bruine, les averses, le soleil pointant entre 2 cumulus ou au travers d'un ciel d'un menaçant gris fer ont remplacé le plein soleil et la chaleur... pour notre plus grand bonheur!

Ceci dit, nous n'avons pas baigné sous les averses chaque jour. Le soleil trouait un ciel paresseusement nuageux presque en début ou en milieu de chaque après-midi, offrant une soirée jamais totalement claire, mais souvent colorée par les rayons du soleil couchant et transpercée de quelques étoiles par-ci par là.

Tiergarten
Nous avons notamment traversé sous le soleil le parc urbain Tiergarten -chanté par Rufus Wainwright-, profitant d'une halte au bord de sa Neue See. Lac aux chaloupes rouges bordés de chaises longues joyeusement rayées, offrant de se blottir dans leurs couvertures rouges et vertes, et des tables de bois extérieures d'un café et d'un restaurant. Le vent secouait alors les arbres hauts, le soleil dorait nos pintes de bière, de la musique folk un peu nostalgique s'écoulait des haut-parleurs installés dans les arbres et nos regards se tournaient tous vers le lac pour nous gaver du soleil s'affaissant tranquillement derrière la forêt. Moment magique, comme les vacances nous en réservent souvent, autour des couples s'enlaçant ou des amis discutant sur les coussins du quai surplombant le lac, pause en fin de journée qui nous a fait dire, à N et moi: « C'est beau, une belle journée d'octobre! »

On range les babouches, on sort le foulard!

À Berlin, nous avons rangé les babouches, la casquette et les bermudas pour sortir nos jeans, nos coupe-vent, notre parapluie et nos espadrilles. Autour de nous, les Allemands portent allègrement l'écharpe. Ayant légèrement froid au cou -quoi, ça existe encore, en cette terre déréglée la notion d'avoir froid??-, je m'en procure une à rabais chez H&M, grande chaîne américaine dont les Berlinois semblent friands: peut-être parce qu'ils ont un penchant pour la tenue vestimentaire à peu de frais, sans griffe et d'une élégance misant sur l'agencement original ou l'accessoire inédit?

Sony Center
Sur les strasse -les rues- et les platz -les places publiques- triomphent aussi la canadienne, le kangourou, le blouson militaire, l'imperméable ou autre paletot que toutes ces épaules que l'on croise déclinent dans des teintes de gris et de noir. Et bien sûr règne ici le jeans dans toute sa splendeur, classique, taille basse dévoilant soigneusement le boxer, skinny ou dans une coupe que je n'ai jamais vue ailleurs, celle de la culotte de cheval en denim! On porte ici la création de Levi Strauss -un Allemand- dans des teintes de marine, de noir et de gris... et parfois dans des couleurs plus vives, bleu royal, jaune, rouge, comme cette mode qu'a tenté de nous proposer en vain Simons cet été!

Bienvenue au pays de l'Adidas Semba, de la casquette de laine et du veston de tweed! Je n'ai jamais célébré l'entrée dans l'automne avec autant de bonheur! J'ai l'impression de respirer l'air pur dans une capitale que le Lonely Planet nous décrit pourtant comme polluée et la fraîcheur ambiante me redonne de l'énergie après 5 belles journées sous un soleil parfois un peu harassant.

Du taxi à la rue

Météo contrastante, donc, style de vie et ambiance aussi!

Hachesche Höfe, labyrinthe de cours aux façades colorées.
Nous prenons rapidement le pouls de cette différence en sautant dans un taxi à notre arrivée vendredi soir à l'aéroport de Schönefeld. C'est un chauffeur bien plus calme et concentré qui nous conduit sans manœuvres hasardeuses à notre hôtel, situé dans le quartier de Mitte-Scheunenvirtel, l'ex-quartier juif de Berlin.

Tout le contraire de la conduite émotive italienne, qui nous incitait souvent à nous accrocher à la porte arrière du véhicule ou à simplement détourner le regard de la route. « Ça pas de bon sens... », ne pouvait s'empêcher de constater la Québécoise nous accompagnant dans le taxi nous reconduisant de l'aéoport de Fiuminicio à la Penzione Panda, à Rome.

Le chauffeur qui nous a cueilli sur la Via della Crocce, rue de notre hôtel, pour nous déposer à l'aéroport Ciampino s'est quant à lui successivement permis de ralentir pour lancer de jolis mots doux à une belle longeant le trottoir, pour ensuite engueuler un chauffeur qu'il venait de couper avant de s'engager à -très- vive allure sur l'autoroute menant à Ciampino! Le tout après quelques minutes de conduites à la Schumacher entre 2 ronds-points du centre-ville.

Berlin est-elle plus grise que Rome?

Tour de télévision d'Alexanderplatz
On y trouve en fait une variété de façades, plus diversifiées qu'au cœur de la ville de Berlusconi, certaines pastel comme dans la capitale italienne, jaune, saumon, rosé, d'autres plus sobres, blanches, anthracite, ivoire, toutes s'étirant sur quelques étages et affichant une apparente rectangularité, quoique une vue de Berlin du haut de la tour de radio d'Alexanderplatz nous a révélé une cité plate construite en blocs triangulaires ou circulaires ou carrés, bref, de façon parfois chaotique, comme Rome et Paris.

C'est toutefois le culte du design, de l'art contemporain et d'une décoration tantôt épurée, tantôt recherchée, qui me surprend et m'emballe dès notre première soirée, faisant toute la différence avec Rome, véritable musée antique en plein air un peu figé dans le temps. Chaque restaurant, chaque bar, chaque café de Berlin semble s'être donné pour mission de créer son propre style, sa propre ambiance, de se distinguer de ses voisins pour nous convier autour d'une bière ou d'un repas tantôt dans une antre chaleureuse, tantôt dans un bar à vin épuré, autour d'une bougie ou sous des abats-jours plus modernes ingénieusement décorés.

Des terrasses stylisées

Cette recherche de style transparaît notamment dans l'aménagement des terrasses dont sont dotés presque tous les établissements et qu'occupent bruyamment les Berlinois même en ces soirées de 15 à 20 degrés ou en ces journées plus fraîches parfois dépourvues de soleil.

Divans coussinés de blanc, de noir ou de rose des lounges, statues aux bras déployés d'un établissement indien duquel s'éparpillent des projecteurs rouges et jaunes, chaises de plastique à la IKEA, chaises hamac, fauteuils en rotin, chaises tissées, lampions rouges religieux ou ampoules rouges, jaunes, oranges, bleues et vertes suspendues sobrement à un fil cerclant la terrasse, large parasol carré, palmiers ou plantes en pots, fines lumières blanches de Noël, mobiliers de bois rappelant le style du magasin Mà à Québec: on trouve de tout sur ces terrasses franchement invitantes, l'une d'elle, appartenant à un fleuriste, proposant même un savant entrelacs de tables, de fleurs fraîches et de plantes en pot! Tout ou presque se déguste sur ces terrasses, d'un cappuccino préparé avec soin à un café Starbuck en passant par un snack vite fait, un souper s'étirant sous les lampes ballons blanches ou une bière qu'on dépose sur une nappe à carreaux.

Édifice de la DZ Bank, conception de l'architecte Frank Gehry
À Berlin, donc, l'originalité se manifeste jusque dans les terrasses, qu'on aperçoit entre les vitrines de magasins de meubles aux lignes recherchés ou de boutiques de vêtements délicatement fripés, suspendus, agencés dans des décors variés, dont l'un de supermarché, de galeries d'art contemporain affichant leurs toiles bariolées ou leurs sculptures improbables sur les conventionnels murs blancs ou entre les salons d'exposition des voitures Bugati, Fiat ou Volkswagen qu'on expose comme des produits de beauté ou des fringues stylisées.

Et il n'y a pas que les vitrines, autant d'œuvres d'art, qui soient reines de la nuit puisque l'Oranienaburger Strasse, la grande avenue située à proximité de notre hôtel, fait également la part belle aux prostituées! Elles sont grandes – une chose d'ailleurs à dire sur les Allemands: ils sont VRAIMENT grands et il n'est pas rare de se faire regarder de haut par une géante de 6 pieds 3 ou un grand sec blond repoussant les 6 pieds 5-, bottées jusqu'aux genoux, minces et portent fièrement la perruque coupée au carré mauve ou blanche. De belles filles qui nous abordent avec leur « Allô » -surprise, la salutation allemande se prononce exactement comme en français-, nous déclinant sans doute ensuite une indécente proposition -qu'on repousse évidemment... Ça me désole un peu en fait de voir ces jeunes filles à la rue...

J'ai rarement vu des prostituées solliciter aussi ouvertement des clients sur une grande artère, comme si des putes défilaient impunément sur la Grande Allée. Je dois le dire, elles me rendent un peu mal à l'aise, ces travailleuses du sexe.

Autre différence frappante entre Rome et Berlin? La langue!

Coupole de verre du Reichstag, le Parlement fédéral allemand
L'italien est une langue chantée, on se repose longuement sur une syllabe avant de jeter les suivantes en l'air, avec force voyelles comme les o et les i. L'allemand est plus articulé, plus posé, mais me procure un sérieux casse-tête. Tandis que N, doué pour les langues, renoue sans peine avec ses notions de la langue de Goethe apprise au Cégep, me disant, « ah, ça, ça veut dire ceci », je m'embrouille un peu dans la prononciation. C'est que z se prononce comme s, s comme ch, ch comme h... J'exagère un peu, mais l'allemand, qu'on réussit un peu à lire en raison de sa ressemblance avec l'anglais et le français, dépayse quand même! Quoiqu'on s'excuse ici en disant « Sorry... ».

Une bonne grosse cuisine d'hiver

Et la cuisine, outre le petit déjeuner?

Bye bye le régime méditerranéen fait de pastas, de gelati et d'huile d'olive, bonsoir la bonne grosse cuisine d'hiver confort food! La bouffe allemande, délicieuse, pèse lourd sur l'estomac avec ses vurst -saucisses- baignant dans une sauce au curry ou glissées dans un pain à la moutarde, servies avec choux mariné et pommes de terre bouillies. Cette cuisine, servie dans des portions raisonnables, fait la part belle à la viande -veau, agneau, porc, boeuf...-, aux patates -maman, tu serais enchantée!-, aux soupes et aux légumes d'hiver et pour digérer entre 2 repas de cette nourriture jamais trop grasse tout de même, un dönner, croisement entre le chiabatta et le shick taouk introduit à Berlin par l'importante communauté turque.

Surprenant: on mange -et on vit- pour à peu près rien, ici, et on nous sert de délicieux repas soupe-plat-principal-dessert-vin-eau-café pour un prix aussi bas que 21 euros. Je suis définitivement un Berlinois.

Pour cette propension au bien manger pas cher, à tout ce que je viens de vous écrire, mais aussi pour cette métropole culturelle qu'est la capitale, forte de ses 400 galeries d'art, de ses 3 opéras, de son orchestre philarmonique réputé, de ses 47 salles de théâtre, de ses 2000 groupes de musique, de ses 700 créateurs de mode et de sa Berlinale, son festival de cinéma qui se classe dans le top 5 des manifestations mondiales du 7e art avec Cannes, Venise et Toronto. De plus, le cycliste en moi constate qu'on roule abondamment en vélo, à Berlin, on chevauche la monture de Lance Armstrong en complet, en tailleur ou en tenue décontractée sur une des nombreuses pistes cyclables qui longent les avenues fréquentées comme les plus tranquilles. En somme, facile de se rendre travailler à vélo, d'autant plus qu'un service de prêt de bicyclettes -moins flamboyant que les bixis montréalais quand même!- y est instauré.

Monument aux victimes de l'Holocauste
Seule nuisance omniprésente: non, pas les grandes chaînes américaines -bien qu'on croise de temps en temps Subway, Dunkin Donuts et toute une pléiade de Starbucks, dont je suis fan je l'avoue, mais plutôt les graffitis. Des graffitis loin d'être artistiques couvrent le moindre mur d'un squat abandonné, mais aussi plusieurs façades tout à fait propres. Aucun lieu ne semble repousser les bombes aérosol des grafiteurs qu'on ne peut qualifier ici d'artistes de la rue et il a fallu penser à recouvrir les stèles de béton du Monument aux victimes de l'holocauste d'un enduit spécial pour les protéger des inscriptions spontanées.

Quoiqu'il en soit, cette épidémie urbaine ne jette en rien un voile sur le plaisir que j'ai eu à parcourir Berlin, ville épicurienne qui, paraît-il, ne se refuse aucun plaisir, sexe, alcool, drogue, et dans laquelle on boit sans problème dans le métro et sur la rue! On commence à clubber vers minuit, les clubs sont ouverts toute la nuit et parfois jusque tard l'après-midi dans le lendemain et prendre le métro à 3h à Berlin constitue toute une expérience, puisqu'on y côtoie autant de gens -des fêtards la plupart- qu'à Montréal à 22h! Dans la file d'attente du club Watergate, des Allemands nous ont même offert une Beck du « 6 packs » qu'ils tenaient à la main! Wow.

J'aurais aimé découvrir davantage Berlin et nous aurions pu y passer encore des jours sans nous lasser. Mais je suis définitivement devenu un Berlinois.