vendredi 25 janvier 2008

7h15, sur ma machine

Un pâle soleil d’hiver se lève à peine sur les Plaines que déjà, on s’active ferme dans notre gym préféré! Quand nous n’avons pas à enfiler tuques et mitaines, N. et moi en franchissons le tourniquet vers 7h. L’hiver, les apprentis athlètes qui joggent sur les tapis doivent patienter jusqu’à 7h10 pour nous voir défiler devant la vitrine de ce grand théâtre de la mise en forme, dans lequel chaque acteur occupe exactement la même place que deux jours plus tôt à la même heure. Ballet sportif soigneusement chorégraphié. Sortez des coulisses 15 minutes plus tard, la scène sera jouée différemment. Un être humain sans routine est-il un être perdu?

Deux amies de femme papotent sur leur tapis roulant sous les joueurs de foot de Série + tandis que l’entraîneur en chef supervise les savants exercices de madame D. La princesse du club enfourche vaillamment son elliptique, l’entraîneur appuie sur un bouton… madame D. passe en mode petit canard! Ses courtes pattes pédalent à toute allure sur cette machine qui imite les mouvements du ski de fond alors que la gracieuse princesse arque le dos comme si elle recevait une rafale de vent en pleine face. Ça me fait sourire chaque fois.

Mais ce n’est pas tout de contempler, on vient ici pour s’entraîner. Courte conversation de vestiaire avec un habitué fin cinquantaine qui l’été, s’amène de Neuville à vélo pour s’entraîner –Neuville, c’est à une demi-heure en voiture du centre-ville de Québec, vous imaginez???-, puis je récupère ma feuille de route pour les prochains trois quart d’heure : le précieux programme sur lequel je dégoutte trois matins par semaine.

Comme je ne veux pas m’entraîner au son du hit de 1996 de Jay-Lo, j’allume mon I-pod et choisis soigneusement ma trame sonore de mise en forme, qui se révèlera tout aussi rythmée que superficielle. Plaisir coupable. Oui, EL, j’écoute encore « I’ll be mine » de Gloria Estefan après toutes ces années.

Madame D. chouchoute son elliptique, moi, je préfère le Stairmaster, sorte d’escalier que l’on escalade sans fin en suant à grosses gouttes devant « Clown Poirier » qui chronique à LCN. S., une ex-collègue ayant débuté son plan d’entraînement la veille, a choisi le Stairmaster n°11 voisin du mien. Que prescrit l’étiquette de l’entraînement? Dois-je faire la jasette ou me contenter de sourire bêtement? Si je poursuis la conversation au-delà des banalités, je vais débouler de mon escalier… Pas chic de suer et de converser!

Par chance qu’à la télé, Bruno Guglielminetti présente son nouvel animal domestique à RDI : le trop « cute » Pléo, affectueux robot dinosaure de compagnie! S. et moi sourions au dino qui grogne, puis je me concentre à nouveau sur la musique : « Every little thing that you say or do, I’m hung up, I’m hunging up on you… »

En 2008, j’ai voulu adopter une saine résolution : essuyer respectueusement mon Stairmaster avec le mystérieux produit disponible dans chaque racoin du gym et que certains zélés de l'hygiène « puischent »sur les guidons de la machine au terme de leur défoulement matinal. Je me suis quand même exécuté au moins une fois.

Au club où nous nous entraînons vient quotidiennement s’effondrer R. Entre deux discussions avec J. ou le petit D., il s’échoue sur une machine, habituellement une de celles faisant partie de mon programme, s'investit dans le quart du huitième d'une demie série avant de s’endormir serviette sur le visage, d’articuler mollement quelques paroles ou de trottiner vers le tapis roulant.

Sitôt mon cardio terminé, un défi de taille, donc : m’emparer des deux machines où je travaille mes trop faibles bras avant que R. ne les monopolise. Je force, je force, tellement que J., sociable créature, me lance par deux fois : « ça l’air dur à matin! » Il n’a pas l’air moins ridicule que moi à cheval sur son ballon bleu géant, que je me dis, l'égo entamé…

Au centre d’entraînement, on devient vite familier avec les clichés d’usage : on se lance un « T’es chanceux » quand on a terminé notre programme, un « c’est pas facile à matin » quand… c’est pas facile à matin, on échange sur les ajustements de chacun des appareils et on commente nos programmes. J., lui, s’entraîne au son de sa musique techno, mais en profite aussi pour animer le club en nous racontant quelques sympathiques tranches de vie.

S. me surprend en pleine défonce alors que je bombe les –quadriceps? triceps? biceps? « En tout cas, tu te donnes, quant tu viens! », me lance-t-elle après un court échange sur le « combien de fois par semaine tu te pointes ici, toi? ». Avec la face que j'esquisse quand je m’attaque à 70 livres de pression, je dois effectivement avoir l’air de me donner.

8h arrive à toute allure. Entre le cardio et les étirements, j’ai eu juste assez de temps pour planifier trois fois ma journée! Je range mon programme dans le classeur témoin de tant d’abandon et de souffrance, puis vite, à la douche car, comme observe judicieusement J. : « on est donc bien quand on est propre! »

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