Les vies de Bob Dylan (Todd Haynes) : biographie hors normes
Plusieurs semaines se sont écoulées avant que Les vies de Bob Dylan (I’m not there) ne trouve une salle à Québec… en version originale anglaise, pour mon plus grand bonheur! Remarquez que je n’ai pas à me plaindre quand je pense à mes parents et amis rimouskois qui l’attendent sans doute encore.
N’empêche que le film consacré au chanteur américain récompense la patience… à condition de ne pas essayer de tout comprendre et de se laisser transporter par cette proposition originale, celle de révéler des pans de la personnalité de Dylan à travers sept personnages. Leurs histoires, parfois hyperréalistes, parfois délirantes, s’entremêlent au rythme d’un montage soigneusement ficelé nous transportant dans les années 50, 60 et 70, entre l’assassinat de John F. Kennedy et la guerre du Vietnam, les succès des Beatles et la « trahison » de Dylan, qui osa un jour brancher sa guitare…
Judas fait femme
C’est ce personnage de « Dylan le traître », alias Jude Quinn, qu’incarne Cate Blanchett –et oui, une femme!- en nomination pour l’Oscar du meilleur rôle de soutien féminin (!) . Elle donne vie à un chanteur complètement déjanté, drogué et sur les médicaments, peinant à expliquer sa démarche artistique aux journalistes tentant d’en décortiquer chaque élément. À elle seule, Blanchett est plus présente dans le film que ses cinq autres comparses jouant pourtant six personnages!
L’actrice australienne emportera sans doute haut la main l’Oscar pour ce rôle. De mon côté, toutefois, je lance mon chapeau au jeune Marcus Carl Franklin, épatant garçon noir de 11 ans dans le film, incarnation de Woody Guthrie, ce chanteur de folk qui inspira l’œuvre de Dylan.
Franklin est émouvant dans ce corps si jeune qu’on sent handicapé par un lourd vécu. Vulnérable dans son interprétation à la guitare, intrigant par sa mystérieuse quête, lumineux dans son sourire qui cache une peine mal dissimulée : une révélation!
Captivant et déroutant
L’œuvre de Todd Haynes captive à plusieurs points de vue :
- par son scénario, que soutient admirablement la musique du « protest singer »;
- par la composition soignée des plans magnifiques, tantôt en couleur, tantôt en noir et blanc, comme filmés depuis l’un des trains qui sillonnent ce film;
- par les regards vides de ces inconnus qui contemplent la vie au bord des rails, autant de personnages qu’on devine issus des textes de Dylan.
Cependant, cette production déroute tout autant par ce choix de réaliser une biographie impressionniste du chanteur, loin des « biopic » traditionnels chronologiques et linéraires à la Un homme d’exception.
De plus, si le film décolle sur les chapeaux de roue, avec quelques scènes mettant en vedette le tout jeune Woodie et ses étranges réflexions d’adulte, le documentaire fictif sur le chanteur folk Jack Rollins (Christian Bale, témoin vivant des débuts du chanteur et de sa quête de spiritualité) et le récit de la relation tumultueuse de l’acteur Robbie Clark (Heath Ledger) avec la peintre Claire (Charlotte Gainsbourg), transposition de la relation unissant Dylan à Sara Lownds, il s’étire au final. Je me suis pris à songer à plusieurs reprises : «Ah, ça ferait une belle fin ça…»
Une nécessaire préparation
En somme, pour apprécier pleinement le film, il faut à la fois :
- connaître déjà les personnages créés par Todd Haynes et leur lien avec la vie de Bob Dylan;
- être familier avec l’univers de Bob Dylan, ses chansons et les personnages qui y évoluent (ce que je ne suis pas du tout).
On devine en effet le film rempli de clins d’œil à la poésie de l’artiste, entre autres dans la section consacrée au personnage de Richard Gere (le Dylan période country et folklore, paraît-il), qui évolue dans une sorte de ville western en carton habitée par des personnages de cirque mi-cowboys, mi-indiens, maquillés à outrance, sans doute issu de l’imaginaire du « folk singer ». Pour le néophyte que je suis, ces scènes m’ont semblé…plutôt « fuckées »!
À lire avant d’aller voir Les vies de Bob Dylan
- Certains des articles ou critiques publiés par ces journalistes de Cyberpresse
- L’article I’m not there de l’Encyclopédie Wikipédia
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