Le plus récent film du réalisateur hétéroclite Gus Van Sant,
Milk, s'intéresse aux luttes menées dans les années 1970 par le militant
Harvey Milk en faveur des droits civiques des homosexuels. Si la performance extrêmement sensible et vigoureuse de Sean Penn rend le personnage de Milk tout aussi vulnérable qu'admirable, le film de Van Sant, en concentrant son regard sur la période la plus marquante de ce militant et en évitant le piège de tout dire ou de tout raconter, donne naissance à un film à la fois captivant et percutant.
Militant... par accident!
Employé du monde de la finance new-yorkais, Milk célèbre ses 40 ans dans les bras d'un amant de passage... qui deviendra un amoureux marquant. Scott le convainc en effet de changer de vie et de prendre la route de San Francisco. Le hippie triomphe du yuppie! C'est dans cette ville californienne qu'Harvey deviendra militant par accident.
Accueilli froidement -c'est un euphémisme- par le président de la Chambre de commerce le jour de sa fondation d'un petit commerce de photos au coeur du Castro, quartier gai en devenir d'une des villes les plus "gay friendly" des États-Unis, Milk a recours pour la première fois au "gay power" pour tenter d'ouvrir les volets d'un secteur croulant encore sous les préjugés. Dès lors, son commerce se transforme en épicentre de toutes les batailles, tant sur le plan municipal que sur la scène californienne, jusqu'à l'élection de Milk au poste de superviseur (conseiller municipal) de Frisco en 1977... et à son assassinat par son collègue Dan White en 1978.
Un film convaincant
Qu'on soit intéressé par le sujet ou non, mentionnons d'abord que l'oeuvre de Gus Van Sant possède d'indéniables qualités esthétiques et artistiques qui en font un film extrêmement convaincant :
- reconstitution soignée et crédible de la "décennie hippie" tant dans les décors que le choix des costumes, des accessoires ou de la musique
- montage et narration rythmés épousant la fébrilité et la vivacité du personnage de Milk, dont l'énergie et le charisme séduiront une joyeuse bande fidèles qu'il ralliera en faveur de ses combats pour les droits des gais
- intégration réussie et jamais incongrue d'images d'archives
- acteurs enthousiastes et touchants d'humanité, à commencer par Sean Penn, bien sûr, mais aussi l'étonnant James Franco -le beau gosse des Spider Man- dans la peau de l'amant, Scott, que les constants échecs politiques de Milk finissent par désabuser mais dont on croit à l'amour qu'il porte tout de même pour cet amant hors normes.
D'un point de vue gai, le film fait connaître un personnage exceptionnel qui, sans violence, mais avec beaucoup d'humour et de détermination, renie la clandestinité et la facilité des amours discrets pour embrasser l'espace public, avec toutes ses conséquences : vie personnelle tourmentée, menaces, et bien sûr, assassinat.
Ce n'est pas tant celui-ci qui choque -quoique le verdict d'homicide involontaire, auquel ne fait pas écho le film, provoque de violentes émeutes-, car il semble plutôt le résultat des positions politiques de Milk vis-à-vis son assassin et collègue Dan White que de son orientation sexuelle.
Ce qui m'a secoué, c'est plutôt l'ampleur des batailles qu'a eu à livrer Mik. Certes, l'activitste s'est employé à convaincre les homosexuels de sortir du placard, pour qu'enfin les hétéros qui les entourent réalisent qu'ils connaissent eux aussi des gais et changent leur regard sur cette minorité. Il s'est aussi démené pour faire adopter une loi en faveur des droits des gais au conseil municipal de San Franscico. L'essentiel du film illustre cependant son combat contre une proposition supportée par un puissant sénateur conservateur et une animatrice de télé bigote en faveur -tenez-vous bien- du congédiement des écoles des professeurs homosexuels par crainte qu'ils "enseignent" l'homosexualité aux enfants et commettent sur eux des agressions sexuelles.
L'héritage d'Harvey Milk
Je suis loin de penser que les gais se fondent aujourd'hui parfaitement au sein de la majorité. La découverte de l'homosexualité demeure encore, je pense, la principale cause de suicide chez plusieurs jeunes hommes. Au Québec, vivre son homosexualité en région ne doit pas toujours être une partie de plaisir. Rare sont les sportifs qui s'affichent comme gai. On vient de voter pour un retour à l'interdiction du mariage gai en Californie, pourtant la terre d'Harvey Milk!
Or, depuis plusieurs années - La vie la vie notamment a été diffusée en 2001 et 2002- nos séries télévisées, nos films et nos pièces de théâtre mettent en scène des personnages homosexuels sans qu'ils soient nécessairement "grandes folles" ou "sidéens": des gais humains, tout simplement! Nous avons élu des députés affichant leur homosexualité -Harvey Milk était en 1977 le premier élu ouvertement gai aux États-Unis- et ces derniers ont voté au Québec en faveur du mariage des homosexuels et de l'adoption pour ces couples 2002. La bataille pour une reconnaissance complète des droits des gais n'est pas terminée, mais elle a beaucoup cheminé au cours des précédentes décennies.
Grâce à des gens comme Harvey Milk, effectivement, auquel je n'ai pu m'empêcher de dire merci en prenant connaissance de sa éprouvante biographie sur grand écran. Et de me dire égoïstement que la vie est bien facile pour moi en 2008...
Trilogie inégale
J'ai terminé il y a quelques jours la trilogie policière Millénium dont je vous avais parlé dans un billet précédent. Je révise mon jugement: cette trilogie est définitivement inégale. Un premier roman lent à décoller, un deuxième vraiment original à l'intrigue parfaitement orchestrée, un troisième... s'étirant définitivement en longueurs et multipliant les personnages inutiles. La fin, quoiqu'enlevante, est prévisible.
Je m'ennuie déjà de ces longues sagas, par exemple, à la Harry Potter et dans la lignée de la Croisée des mondes. En auriez-vous une à me proposer?